La fin de Patrick de Carolis, c’est aussi la fin d’Arlette Chabot.

C’est la grande question, celle qui hante les rédactions de France 2 et France 3 : Arlette Chabot, dans le collimateur de l’Élysée depuis quelque temps, fera-t-elle les frais du remaniement auquel procédera Rémy Pflimlin, une fois intronisé pdg du groupe public ? Et qui pour remplacer celle qui dirige la rédaction de la Deux depuis maintenant six ans… Un record de longévité.

Bien des noms circulent : David Pujadas qui prendrait du galon. Mais lâchera-t-il le 20 heures pour un poste hiérarchique ? Paul Amar pour qui la direction de la rédaction serait une sorte de bâton de maréchal… On prononce parfois le nom de Patrick Roger, l’actuel patron de la rédaction de BFM. Les correspondants de presse à l’Élysée, eux, évoquent le fait que Nicolas Sarkozy chante les louanges d’Olivier Mazerolle (BFM TV). Dans l’esprit du chef de l’État, le nom de Mazerolle (jadis patron de l’info de France 2) est attaché à la période bénie de l’émission 100 minutes pour convaincre quand le candidat Sarkozy, véritable bête de scène, réalisait des scores d’audience dignes des séries américaines… C’est une fois de plus la nostalgie d’un âge d’or qui caractérise la réflexion du chef de l’État quand il s’agit de télévision.

Le sermon de New York

Mazerolle, 67 ans, avait connu deux moments difficiles dans la dernière partie du mandat de Marc Tessier. Dominique Baudis, alors président du CSA, ne lui a jamais pardonné l’emballement médiatique de sa rédaction dans le traitement de l’affaire Alègre. De même que la chiraquie n’avait pas admis qu’il laisse David Pujadas annoncer le « retrait progressif » de la vie politique d’Alain Juppé de manière quelque peu prématurée. Olivier Mazerolle avait présenté sa démission dans la foulée. Rémy Pflimlin, homme rond mais de tempérament, ne sera pas forcément du genre à plier aux oukases du président… D’autant plus qu’en matière d’information, Pflimlin peut s’appuyer sur des proches à l’échine solide, tel l’ancien journaliste sportif Jean Réveillon (actuellement conseiller de Carolis, délégué aux nouveaux projets). Ce Lillois fait partie des hommes de presse forgés par Hervé Bourges.

Arlette Chabot n’a jamais compris pourquoi elle était tombée en disgrâce au Château. Il semble que le chef de l’État n’apprécie plus la formule de ses émissions politiques où trop d’invités se chahutent. En juin 2009, le soir du dernier débat des européennes (quand Bayrou avait lancé des insinuations pédophiles à la face de Daniel Cohn-Bendit et que Mélenchon et Marine Le Pen étaient partis en vrille), Nicolas Sarkozy avait manifesté sa mauvaise humeur en appelant directement Patrice Duhamel après l’émission. Quelques mois plus tard, à New York, au sortir d’une interview face à Pujadas et Ferrari, le chef de l’État remettait le couvert, cette fois, directement auprès de l’intéressée… Nicolas Sarkozy regrettait l’absence de « vraies » émissions politiques, telles que feu L’Heure de vérité. Le président estime qu’un rendez-vous politique télévisé doit permettre aux élus de s’exprimer longuement, sans forcément être noyé parmi une noria d’opposants, qu’ils soient élus, associatifs, experts ou syndicalistes. Chabot subit le sermon présidentiel qu’elle vit comme une vive humiliation d’autant que les reproches du chef de l’État sont formulés en présence de Catherine Nayl, la directrice de l’info de TF1, une chaîne qui brille par l’absence de toute émission politique.

La carrière audiovisuelle d’Arlette Chabot fut émaillée de ce genre d’incidents. Elle évoque parfois ses années chez TF1, publique puis privatisée. Elle y dirigeait le service politique. « J’ai été très bien traitée. Manifestement, j’avais fait des choses qui avaient déplu au groupe Bouygues. On m’a très bien payée et mise dans un placard doré. J’avais envie de faire mon métier, j’ai quitté TF1 pour France 3. » En arrivant sur FR3 en 1990, Arlette Chabot redécouvre la modicité des moyens. « On faisait un flash spécial à l’arraché », se souvient-elle. À l’époque, la rédaction nationale de France 3 n’était encore qu’embryonnaire (depuis, on y compte plus de 300 collaborateurs).

Ses premiers pas difficiles à France 2

Son poste à FR3 n’était qu’une position d’attente avant de reprendre la tête du service politique de France 2. C’est chose faite en 1992, à quelques semaines du référendum de Maastricht. Son premier jour sur la Deux est mémorable. Lorsqu’elle arrive à 9 heures du matin, le service politique est désert. Une secrétaire l’accueille aimablement et lui explique que les journalistes ne viendront pas. Ils la boycottent… Elle demande à lire le cahier où l’on répertorie les sujets en cours. La secrétaire lui tend un cahier dont les pages ont été arrachées… Dans son bureau, pas de chaise. En effet, Chabot confie que son prédécesseur (Rachid Arhab), relogé ailleurs dans la maison, a emporté avec lui son fauteuil. On n’est jamais trop prudent. Dans l’après-midi, les journalistes se présentent finalement. Un à un, elle les reçoit dans son bureau. Tous lui tiennent à peu près ce discours : « participation sans soutien ». Ils acceptent de travailler pour préparer le référendum, mais ils feront le minimum.

Il faudrait aussi évoquer les soubresauts de la campagne présidentielle de 1995, quand, le 9 janvier, elle vexe le candidat Jacques Chirac. Alors que Balladur caracole en tête des sondages, elle pose directement la question au maire de Paris : « Vous irez jusqu’au bout ? » Le regard noir, Chirac répond : « Vous faites de l’humour ? Soyons sérieux. » Quatre mois plus tard, il est élu. Comme par hasard, en 1996, son nouveau boss (Pierre-Henri Arnstam) la démet de ses fonctions de directrice adjointe de l’information… Ce qui ne l’a pas empêchée de rebondir quelque temps plus tard.

À 59 ans (le 21 juillet prochain), Arlette Chabot en a donc vu d’autres alors que se présente Rémy Pflimlin à la porte de France Télévisions.

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