
Le 30 avril, au terme de deux semaines de procès devant la Cour de justice de la République, il avait été relaxé dans deux affaires remontant à l’époque où il était ministre de l’Intérieur. La première concerne un agrément d’exploitation accordé au casino d’Annemasse en échange d’un financement présumé d’activités politiques. Dans la seconde, il se voyait reprocher d’avoir été l’instigateur d’un pot-de-vin soustrait au groupe GEC-Alsthom en 1994, contre une autorisation de déménagement. Charles Pasqua a en revanche été condamné à un an de prison avec sursis dans une troisième affaire : des détournements de fonds au préjudice de la Sofremi, société sous tutelle de la Place Beauvau.
L’ancien ministre de l’Intérieur avait formé un pourvoi contre sa condamnation tandis que le parquet de général de la Cour de cassation avait formé un pourvoi contre l’ensemble de l’arrêt. Les deux requêtes ont été examinées ensemble vendredi et l’avocat général Christian Raysseguier a été extrêmement critique vis-à-vis des décisions de relaxe rédigées par les juges de la CJR. Il les considère « insuffisamment motivées » et « contradictoires ». Il a en revanche demandé le rejet des pourvois de Charles Pasqua et la confirmation de sa condamnation.
Charles Pasqua pourrait être rejugé
Dans le dossier du casino d’Annemasse, l’avocat général a notamment souligné un paradoxe : un des protagonistes de l’affaire, Michel Tomi, a fait l’objet d’une condamnation définitive pour corruption active, mais la CJR a considéré qu’il n’y avait pas de corrupteur passif, dédouanant Charles Pasqua. « L’agent public corrompu et son partenaire corrupteur forment un couple dont la culpabilité est indissociable », a relevé Christian Raysseguier. Il a pointé une autre ambivalence du raisonnement des juges : insister sur le fait qu’en accordant son autorisation à l’établissement de jeux, Charles Pasqua a « voulu favoriser un ami de longue date », Michel Tomi, et que celui-ci avait plus tard souhaité l’aider financièrement dans une campagne électorale. Mais refuser d’en déduire que le service rendu par Tomi avait conditionné l’autorisation du ministre.
L’avocat général critique également le raisonnement à géométrie variable de la CJR qui, dans un dossier, retient contre Charles Pasqua les mêmes arguments dont elle ne tient pas compte dans un autre. Ainsi, sur le cas Sofremi, l’un des éléments appuyant la condamnation de Charles Pasqua pour abus de biens sociaux et recel tient aux liens étroits entre le ministre et d’autres auteurs et bénéficiaires des malversations, notamment son fils, Pierre-Philippe Pasqua. Le même motif, dans l’affaire GEC Alsthom, n’a pas eu d’incidence sur l’appréciation des juges. « Je ne savais pas que le vieil adage disant ‘tel père, tel fils’, pouvait également être renversé en ‘tel fils, tel père' », a lancé à la cour, avec un peu d’ironie, l’avocat de Charles Pasqua, Me Louis Boré.
Si la Cour de cassation décide d’annuler l’arrêt de la CJR, un nouveau procès sera organisé, mais devant une cour composée de trois juges professionnels et douze juges parlementaires différents de la première fois. Réponse dans deux semaines.