Free et les journalistes : une liberté de la presse qui ne passe pas

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Photo : LeWEB12

L’opérateur Free aurait-il quelques difficultés à accepter la liberté de la presse ? Pierre Haski, directeur de publication de Rue89, a récemment été entendu par la police pour un article d’avril 2012 qui incriminait l’opérateur Free sur le lancement chaotique de son offre mobile. Xavier Niel, le fondateur de Free, semble vouloir faire taire toutes critiques de la presse… dès lors qu’il ne la contrôle pas directement.

L’affaire part d’un article publié le 16 avril 2012 par un certain « Ibrahim Lhester », un journaliste nouvellement recruté par Rue89 et qui publie alors sous pseudonyme. Il faut dire que l’auteur a fait un passage chez Free comme salarié d’un centre technique lors du lancement de l’offre mobile.

Dans « C’est quoi la 3G », le journaliste revient sur le lancement chaotique de Free mobile, un épisode qu’il a vécu de l’intérieur comme salarié de Free. « Ibrahim Lhester » y rappelle la panne survenue le 2 mars sur le réseau, l’impréparation des personnels nouvellement recrutés par Free Mobile, les dysfonctionnements logiciels du service après-vente, les plantages récurrents des outils téléphoniques.

Conséquence pour Free : des puces SIM perdues dans la nature, des clients devant attendre quatre semaines l’ouverture de leur ligne au lieu des quatre jours promis, des incompatibilités techniques avec certains modèles de téléphones mobiles, des journées de travail interminables pour les personnels avec des heures supplémentaires jamais payées, la pression continuelle des responsables d’équipe, des conseillers livrés à eux-mêmes dans le centre d’appel avec les clients au téléphone.

Six mois après la publication de l’article, cette convocation de Pierre Haski a tout de l’intimidation, d’autant plus que « Rue89 n’a jamais été notifié d’une quelconque plainte », indique la rédaction. Face à la police qui cherche à connaître le journaliste qui se cache derrière ce pseudonyme, Pierre Haski a rappelé que la loi garantissait le secret des sources. Il a donc refusé de répondre aux questions de la police.

Cette nouvelle affaire de Free contre la presse en rappelle une autre, contre Les Echos cette fois-ci.  Le quotidien économique serait en effet sous le coup d’une plainte de Free pour diffamation. La procédure en cours aurait valu à la journaliste Solveig Godeluck une convocation par la police. En cause, son article du 1er mars 2012. Cet article cité les propos peu flateurs de Didier Casas, le secrétaire général de Bouygues Telecom, ce dernier accusant « Free Mobile de ne pas investir dans un vrai réseau ». Solveig Godeluck a d’ailleurs fait part récemment sur Twitter des menaces judiciaires récurrentes de Free contre la presse.

Xavier Niel ne s’est jamais caché d’avoir dans le collimateur les journalistes qui sortiraient un peu trop des voies tracées par le storytelling de Free. « J’ai un modèle de plainte tout prêt, il n’y a juste qu’à remplir le nom du journaliste », avouait le fondateur de Free dans un entretien paru en juin 2012 dans La Tribune. Sans parler des nombreuses plaintes de Free contre Libération et son journaliste Renaud Lecadre pour plusieurs articles sur les démêlés judiciaires de Xavier Niel quand il faisait du business dans l’industrie du sexe.

Les procédures de Free contre Libération avaient conduit à l’interpellation à son domicile de Vittorio de Filippis, ancien directeur de publication de Libération. Emmené tôt le matin au commissariat du Raincy puis au tribunal de grande instance de Paris, le journaliste avait dû subir le port inutile de menottes, des fouilles corporelles et une cellule insalubre.

Xavier Niel incarne à merveille cette défense de la liberté de la presse à géométrie variable. Les journalistes pro-Free sont invités à verser plus encore dans le publi-reportage, quand ceux qui conduisent un véritable travail d’investigation sont attaqués pour diffamation. Xavier Niel « a le contentieux dans le sang. C’est à se demander s’il ne se lève pas chaque matin en pensant à la nouvelle action en justice qu’il va lancer dans la journée », pouvait-on d’ailleurs lire en novembre 2011 dans l’Humanité.

Mais le tempérament procédurier de Xavier Niel a ses limites : dans tous les cas de plaintes, Libération a été relaxé. A défaut de pouvoir contraindre les médias par ses plaintes abusives, Xavier Niel cherche donc à les contrôler en entrant au capital de titres de presse en ligne et papier. Sa fortune le lui permet : elle est estimé à 4,5 milliards de dollars par le magazine Forbes. Sa relation avec Alain Weil est ainsi symptomatique de la stratégie de copinage entretenue par Xavier Niel avec les médias : président du groupe NextRadioTV (maison-mère de BFM TV, BFM Business et RMC), Alain Weill est administrateur d’Iliad. Des télécommunications aux médias, la voie est toute tracée pour l’homme d’affaire qui tient à garder un contrôle total sur son image et celle de Free.

La grande réussite de Xavier Niel dans ce registre reste Le Monde, racheté pour 35 millions d’euros en juin 2010 avec Pierre Bergé et Matthieu Pigasse, président de la banque Lazard Europe et propriétaire des Inrockuptibles. « Le Monde est bien commun. Il nous semblait important qu’il ne dépende à aucun moment d’intérêts politiques, financiers, ou confessionnels », déclarait Xavier Niel dans Les Échos du 17 janvier 2011. Mais derrière ces belles intentions, le fondateur de Free a verrouillé le titre de presse. Dans le conseil de surveillance de la société Le Monde SA, on retrouve ainsi Xavier Niel, ces deux associés et plusieurs amis. Un bel exemple de journalisme de soumission !

Deux exemples récents. En mars, Le Monde ne mentionne pas la grève de Total Call, la filiale marocaine de Free, ni l’extension de cette grogne sociale aux filiales françaises de l’opérateur. En avril, Le Monde oublie également de mentionner les plaintes de plusieurs salariés de Free face aux pressions managériales brutales sur plusieurs sites.

Et comme on n’est jamais mieux  servi que par soi-même, Le Monde publiait le 10 janvier 2012, – date de « l’entrée fracassante de Free dans le mobile » pour reprendre l’article du quotidien du soir – pas moins de quatre articles en l’espace de quelques heures seulement… Avec Le Monde, Free a su assurer un service après-vente autrement plus réussi que celui proposé à ses clients mobile.

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4 réactions à “Free et les journalistes : une liberté de la presse qui ne passe pas”

  1. Article qui en dit long également sur la compromission de soi-disant journalistes qui n’ose révéler le pot aux roses (a part 24 heures actu)…

    Je les croyais indépendants, ils sont justes asservis à leur patron…

  2. Bonjour
    Free est donc devenu célèbre malgré lui, pour faire taire les médisances il faut juste offrir des services haut de gamme. C’est possible malgré le prix des services proposé par Free!

  3. incroyable ! j’ai entendu le boss d’orange ce matin, il est un vrai miavuas joueur // il dit meame, en e9vitant de donner des de9tails sur le nombre bien sfbr, pourtant e7a lui aurait donne9 du cre9dit, que plaitor d’utilisateurs freemobile reviennent chez lui, de9e7us par freeje l’ai entendu dire e0 demi mot, et BFM l’a repris toute la journe9e avec une version personnalise9e !j’ai envoye9 un mail e0 BFM pour re2ler et dire que ce j’ai entendu n’est pas ce qui est relate9 d’une partet d’autre part, j’ai fait remarque9 que si les utilisateurs revenaient, c’est qu’ils n’avaient pas d’engagement fil e0 la patte comme chez orange et qu’ils e9taient libres de leurs mouvements c’est incroyable ces menteurs

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