
Alors que l’ONU, par le truchement de sa Commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme en Syrie, a dénoncé les crimes contre l’humanité à la pelle dont le peuple syrien était la victime, l’UNESCO, son pendant culturel, condamne la destruction d’un patrimoine « parmi les plus précieux du monde islamique ». Très bien. Et l’implosion d’une institution historique à grand renfort de laisser-aller, d’inconséquences et d’approximations budgétaires, on en parle ?
On commence, en fait. A l’approche des prochaines élections internes, la DG de l’Unesco, Irina Bokova, fait l’objet d’articles de-ci de-là. On y évoque notamment le rapport de la Cour des comptes qui la fusille tous azimuts. Tour à tour, la politique budgétaire de Bokova y est désignée comme « hésitante », « ambigüe », « parcellaire », quand elle n’est pas tout bonnement taxée d' »inefficiente “ou d' »incohérente ».
Ce n’est pas tout. Une épée de Damoclès plane au-dessus de la tête de 300 employés, sacrifiés sur l’autel des restrictions budgétaires. C’est si vrai qu’en juillet dernier, un certain nombre de fonctionnaires de l’institution se sont rassemblés devant le siège parisien de la place de Fontenoy pour manifester. Monnaie courante sur le sol français, la pratique de la grève est rarissime dans la culture des fonctionnaires de l’UNESCO. Le piquet du 4 juillet dit assez le malaise prégnant au sein de l’organisation. Se faire remercier, c’est déjà assez grave en soi, mais se faire virer parce que la DG a bâclé les réformes qui s’imposaient après le désistement des Etats-Unis de la liste des Etats membres, ça devient vite inadmissible.
Plus grave. Nous proviennent des couloirs de l’UNESCO des rumeurs insistantes. Bokova obligerait depuis 2010 chacun des 5 programmes de l’UNESCO (éducation, sciences, culture, sciences sociales & humaines, communication) à financer son propre bureau, alors que celui-ci dispose bien évidemment d’un financement dédié. Ces sommes rondelettes seraient ponctionnées au détriment des programmes, et tomberaient directement dans l’escarcelle de la DG. De 2010 à 2011, le montant de la contribution des autres bureaux aux déplacements et frais de bouche de Bokova a doublé. 2011, précisément l’année où les ennuis financiers ont commencé pour l’UNESCO. Autrement dit, alors que l’institution connait de graves problèmes budgétaires, Bokova, plutôt que de se serrer la ceinture, se bâfre encore davantage.
Pour finir, la DG de l’UNESCO a beau jeu de s’époumoner pour la préservation du patrimoine syrien. Le fait-elle pour faire oublier le brûlot rédigé à son endroit par l’écrivain égyptien Mohamed Salmawi ? L’homme reproche à Bokova de ne pas avoir pris ses responsabilités face aux attaques et incendies qui ont visé les institutions culturelles égyptiennes ces derniers temps. Elle n’a en effet pas levé le petit doigt pour tenter de sauver des flammes et du pillage le grand nombre de musées, de lieux de culte et de bibliothèques pris pour cibles.
Bokova brigue un second mandat. Elle est soutenue dans cette entreprise par le Quai d’Orsay. Ce monde est étrange. Il y a quelque chose d’incroyablement cynique, sans doute, à convoiter un poste pour lequel on se sait incompétent(e), a fortiori lorsqu’il concerne une institution censée oeuvrer pour le bien de l’humanité. Quelque chose de malsain.
En y regardant de plus prêt monsieur Bokova n est pas le seul a se croiser les doigts .