
En marge de la COP21, le président François Hollande participait mardi 1er décembre à une première réunion consacrée aux défis climatiques et énergétiques du continent africain. Un événement au cours duquel a été abordée la question du nécessaire développement des énergies décarbonées sur un continent souffrant d’un taux d’électrification très faible et, de plus, largement vulnérable aux effets du réchauffement climatique. Certaines entreprises françaises pionnières en la matière, comme Engie et EDF, participent activement de cette transition énergétique africaine.
L’Afrique, le nouvel eldorado des énergies renouvelables
Si les énergies vertes ne couvraient en 2013 que 5% des besoins énergétiques de l’Afrique, le potentiel renouvelable du continent ne fait aujourd’hui plus aucun doute. Les ressources solaires abondantes sur tout le continent, la biomasse et le potentiel hydraulique élevé dans les régions centrales et méridionales, le potentiel géothermique de la vallée du grand rift, ajoutés aux fortes ressources éoliennes des régions du Nord, de l’Est et du Sud, constituent des réserves énergétiques considérables et pourraient permettre de produire jusqu’à 50% de l’électricité en Afrique dans les décennies à venir.
Le continent reçoit en moyenne 6 kWh d’énergie solaire par kilomètre carré, et toutes les conditions techniques liées au déploiement d’installations solaires et éoliennes semblent désormais réunies, à l’instar du plan solaire marocain (PSM) qui ambitionne de produire 2 GW entre 2015 et 2019. De nombreux projets voient donc le jour comme au Rwanda par exemple, qui a inauguré en février dernier le premier parc solaire à grande échelle d’Afrique de l’Est. Situé à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Kigali et financé à hauteur de 20 millions d’euros par un consortium de partenaires internationaux, il est composé de 28.000 panneaux photovoltaïques et affiche une capacité de 8,5 MW, soit 5,5% de la production totale d’électricité du pays.
Dans l’éolien, les fermes se développent également à un rythme croissant dans de nombreux pays comme au Kenya, au Maroc, en Mauritanie, en Ethiopie ou en Afrique du Sud. Pretoria, notamment, concentre ses efforts depuis plusieurs années dans la mise en place d’une véritable filière industrielle éolienne et accueille une grosse partie des investissements internationaux. Son marché attire les grands groupes français qui participent activement à la sécurisation du système énergétique sud-africain et au développement des énergies renouvelables dans le pays. Alors qu’Engie vient d’annoncer cette semaine le lancement d’une nouvelle centrale éolienne de 94 MW basée au nord du Cap, le groupe EDF multiplie lui aussi ses investissements et exploite depuis le mois de septembre dernier un parc éolien de 21,5 MW à Chaba, dans la province du Cap Oriental.
Autre source d’énergie en pleine expansion, l’hydroélectricité se développe elle aussi rapidement sur le continent africain. Au Cameroun par exemple, qui dispose d’un des potentiels hydroélectriques les plus élevés du continent, les projets de barrages se succèdent autour du fleuve Sanaga. Deux barrages sont actuellement en phase de finalisation à Lom Pangar et Memve’ele et devraient tourner à plein régime d’ici la fin de l’année. Un troisième barrage confié à EDF dans le cadre d’un accord de partenariat avec le gouvernement camerounais, devrait entamer sa phase de construction prochainement et proposer une puissance de 420 MW d’ici à 2021, soit plus de 20% de la production d’électricité nationale. Le groupe français fait office de moteur en matière d’hydroélectricité, à l’international comme sur le plan national : cette source d’énergie renouvelable représente 10 % de sa production électrique. EDF jouit donc d’un savoir-faire et d’une ingénierie optimaux qu’elle peut partager, de facto, aux pays soucieux de verdir leur mix électrique.
Un besoin de financement croissant
La demande croissante d’électricité et la baisse du coût des alternatives énergétiques que représentent le solaire et l’éolien, sont telles que le nombre de projets énergétiques mis en service en Afrique sub-saharienne en 2014 a dépassé celui enregistré au cours des treize années précédentes. Le montant des investissements réalisés en Afrique du Sud, au Kenya et en Éthiopie est ainsi estimé à 5,9 milliards de dollars en 2014, et pourrait s’élever à 7,7 milliards de dollars en 2016 (contre 1 milliard de dollars par an en moyenne entre 2006 et 2011).
Une évolution positive mais qui reste néanmoins insuffisante à l’heure actuelle. Le secteur énergétique en Afrique subsaharienne reçoit seulement 8 milliards de dollars chaque année, soit 0,4 % du PIB de la région. Les pouvoirs publics doivent multiplier la production par dix afin de réaliser l’accès universel à l’électricité d’ici à 2030, et doivent pour cela combler un déficit de financement d’environ 55 milliards de dollars par an selon les prévisions de l’Africa Progress Panel. Le récent rapport rendu par Kofi Annan et baptisé « Africa Progress Panel : Power, People and Planet » démontre en effet clairement comment un renforcement substantiel des investissements énergétiques de la part des gouvernements africains, des investisseurs et des institutions financières internationales, permettrait de déverrouiller le potentiel de l’Afrique en tant que superpuissance mondiale faible en carbone.
L’Union africaine a pour cela élaboré sa propre feuille de route avec un premier rendez-vous en 2020, précisément l’année où doit entrer en vigueur le futur accord climatique. Celui-ci est précis : doter de 10 gigawatts (GW) supplémentaires la capacité de production à partir d’énergies renouvelables. Son coût : entre 12 et 20 milliards de dollars (11,3 à 18,9 milliards d’euros) selon les technologies retenues. La France, pour sa part, a déjà annoncé une enveloppe de 2 milliards d’euros pour les énergies vertes d’ici à 2020 et un triplement des fonds consacrés à l’adaptation au changement climatique sur la même période, pour atteindre 1 milliard d’euros.
L’énergie nucléaire, une composante du futur mix énergétique africain
Cela étant, avec 22% d’énergies renouvelables en 2030 dans la production d’électricité du continent, selon le scénario prévisionnel le plus optimiste de l’Irena (Agence internationale pour les énergies renouvelables), l’Afrique ne pourra résorber son déficit énergétique considérable via les seules énergies vertes.
Le taux d’électrification en Afrique subsaharienne reste en effet un des plus faibles au monde. Plus de 500 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité et 625 millions dépendent toujours du bois ou du charbon, tandis que le taux de croissance annuelle du continent se stabilise autour de 4 %. Un antagonisme qui pourrait s’aggraver dans les années à venir compte tenu de l’évolution démographique à prévoir dans ces régions.
Les centrales thermiques n’étant plus une solution envisageable au regard des nouveaux enjeux climatiques et des fluctuations des cours pétroliers, de nombreux pays africains se tournent alors peu à peu vers l’énergie nucléaire. L’Afrique du Sud, seul pays du continent disposant de réacteurs en activité, souhaite relancer activement son programme nucléaire, tandis que d’autres pays, au Maghreb notamment, ne cachent plus leurs ambitions en la matière. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Egypte mais aussi le Ghana, le Kenya, le Nigeria et le Sénégal ont tous exprimé leur volonté de développer chez eux le nucléaire à des fins énergétiques.
L’Egypte vient tout justement d’annoncer la signature d’un accord avec l’agence russe Rosatom pour la construction de la première centrale nucléaire sur son territoire d’ici à 2025. Le Kenya quant à lui, avait déjà signé en septembre dernier un accord avec Pékin dans le cadre de son projet de centrale nucléaire. L’objectif étant de lancer la première centrale kényane avec une capacité de 1.000 mégawatts à l’horizon 2025, et faire de l’électricité nucléaire « une composante fondamentale de la production d’énergie du pays », selon le Kenya Nuclear Electricity Board (KNEB).