Les droits humains reculent en Égypte, mais Le Caire brigue la présidence de l’UNESCO

L’Unesco n’est pas à une contradiction près. Sur fond de dégradation de la situation des droits de l’homme et de la condition des femmes, l’Égypte brigue la présidence de l’Organisation.

Les objectifs de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) sont aussi ambitieux que louables. Elle cherche notamment à « contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre les nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous ».

Or, au moment où la prestigieuse organisation internationale s’apprête à désigner son futur directeur général, il convient de relire très attentivement cette déclaration. Car parmi les candidats, certains pourraient être moins bien placés que d’autres pour défendre ces objectifs.

Neuf personnes briguent actuellement la direction de l’Unesco. Parmi elles, on trouve notamment l’Egyptienne Moushira Khattab, dont la candidature dérange les défenseurs des droits de l’homme.

Mme Khattab connaît bien les rouages du pouvoir égyptien. Ayant servi dans différentes missions diplomatiques en Australie, en Hongrie et en Autriche, elle devient ambassadrice en Tchécoslovaquie, puis en Afrique du Sud. Proche de la famille Moubarak, elle est nommée ministre de la Famille et de la Population puis ministre des Affaires étrangères. En 2011, suite aux événements ayant provoqué la chute du dictateur Hosni Moubarak, Moushira Khattab se retire de la vie politique. Mais pas définitivement.

 

Une situation qui se dégrade

En 2016, le Premier ministre égyptien en personne Sherif Ismaïl annonce la candidature de sa compatriote au poste de directrice générale de l’UNESCO. Une femme à l’UNESCO ? L’idée paraît à première vue tout à fait adéquate : la défense des droits des femmes fait partie des multiples missions de l’Organisation. « L’Égalité entre les sexes est une priorité mondiale pour l’UNESCO », peut-on lire sur le site web de l’institution onusienne. On apprend également que, pour mettre un terme au cercle vicieux qui fait de la discrimination fondée sur le genre la cause et la conséquence de formes plus répandues d’inégalités, « l’UNESCO est déterminée à promouvoir l’égalité entre les sexes au sein des systèmes éducatifs et dans l’ensemble de ces systèmes ».

Mais cette proche du pouvoir est-elle bien placée pour incarner ces objectifs ? Son statut de femme ne serait-il pas un coup marketing pour faire oublier les atteintes répétées aux droits de l’Homme et à l’égalité entre les genres de l’Égypte ?

La question est sur toutes les lèvres alors que la situation des droits humains ne cesse de se dégrader sur les bords du Nil. Selon le dernier rapport de Human Rights Watch (HRW), « toute critique du gouvernement est restée de fait interdite en Égypte en 2016. La police a arrêté des dizaines de personnes dans le cadre de manifestations, dont un grand nombre de façon préventive. Les autorités ont ordonné des interdictions de voyager et le gel des avoirs à l’encontre d’importantes organisations de défense des droits humains et de leurs dirigeants, et elles ont porté des accusations au pénal contre le président du Syndicat de la presse ainsi que contre le principal responsable de la lutte contre la corruption dans le pays ».

 

« Pire pays pour les femmes »

En 2013, un sondage de la Fondation Thomson Reuters classait l’Égypte comme le pire pays pour les femmes dans le monde arabe. Selon un rapport des Nations unies réalisé la même année, 99,3 % des femmes et jeunes filles ont été victimes de harcèlement sexuel, un phénomène que l’Organisation qualifie d’« endémique ».

Or, « cela ne devrait pas changer car il est considéré comme socialement acceptable et n’est pas pris au sérieux, ni par les autorités ni par la société », déclarait une journaliste égyptienne à la Fondation Thomson Reuters.

En 2017, la condition des femmes ne semble pas avoir bougé d’un iota. « Rien n’a changé aujourd’hui. Si ce n’est que le régime de Sissi est encore plus conservateur que les précédents », déclare à TV5 Monde Azza Soliman, une avocate féministe qui s’est fait arrêter dès 1995 pour être venue en aide à des femmes torturées par des officiers.

Dans ce contexte, confier la direction générale de l’UNESCO à une personnalité faisant partie des élites politiques égyptiennes depuis des décennies serait incompréhensible, voire inacceptable. Pour être crédible, entendue et efficace, l’institution doit demeurer légitime et ne pas servir d’alibi à des régimes liberticides et profondément inégalitaires.

Stéphanie Bigeard.

On vous recommande

A propos de l'auteur notre équipe

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.