Glyphosate : un débat inexistant

Depuis plusieurs semaines, les téléspectateurs, auditeurs et lecteurs friands d’actualités croulent sous une avalanche d’informations relatives au glyphosate. Mot auparavant inconnu de la plupart des Français, il s’est imposé dans la sphère médiatique avec le débat européen sur le recours à cet herbicide dans l’agriculture. La substance a mauvaise presse et ne peut guère compter sur la diffusion d’études pourtant sérieuses qui réfutent le parallèle entre glyphosate et amiante. Le parti pris est évident et dommageable tant pour la science que pour le journalisme.

La science serait-elle devenue dépendante du bon vouloir des médias ? La polémique autour du glyphosate pose de vraies questions sur la place accordée aux vérités scientifiques dans le débat public. Nouvel objet de bien des craintes, le glyphosate a pendant des décennies connu une vie bien tranquille. Cet herbicide est le plus utilisé au monde et se retrouve notamment dans la composition de nombreux pesticides à travers le Monde. Mais c’était sans compter sur une étude de 2015 du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) qui affirme que le glyphosate est un « cancérigène probable ».

Depuis, le thème du glyphosate est monté chez les militants écologistes jusqu’à ce que l’Union européenne s’en empare en raison des discussions prévues en vue d’une utilisation reconduite dans l’agriculture. Une reconduction qui ne faisait pas débat il y a peu encore en raison des batteries d’études menées par différents organismes (Autorité européenne de sécurité des aliments, Agence européenne des produits chimiques, etc.) qui concluent toutes à la non-nocivité du glyphosate. Cependant, la tendance au catastrophisme de certains militants écologistes couplée à l’étude du Centre international de Recherche sur le Cancer ont fini par former un cocktail explosif où seules ont droit de citer les théories les plus alarmistes.

Un angle mort journalistique plutôt risqué.

 

 

L’Agricultural Health Study : la clôture du débat scientifique ?

Désormais, le temps est à la mise en cause du glyphosate et aucune nouvelle étude aussi sérieuse soit elle ne parvient à ralentir la force des vents contraires. Ainsi, il a fallu attendre plus d’une semaine pour qu’un grand média décide de faire connaître les conclusions de l’Agricultural Health Study. Après vingt ans de recherche méthodique, l’organisme en charge de ce rapport n’est pas parvenu à faire de lien entre glyphosate et cancer. Une étude pipée rétorqueront les militants anti-glyphosate à ceux qui oseraient la mentionner ! Et pourtant. Tous les financements sont d’origine publique, aucun des auteurs n’a fait part de conflit d’intérêt, et la prestigieuse revue scientifique Journal of the National Cancer Institute a accepté de publier cette enquête.

Sa directrice n’est autre que Laura Beane Freeman, une sommité, spécialiste de l’épidémiologie chez les travailleurs exposés. Ses travaux précédents ne laissent aucun doute quant à sa compétence et sa rigueur. Enfin l’équipe de recherche comprend, de façon plutôt cocasse, Aaron Blair, membre du CIRC, qui a déclaré sous serment que les conclusions du CIRC auraient été différentes si celles de l’Agricultural Health Study avaient été connues dès 2015 ! Des conclusions qui semblent inattaquables sur le plan scientifique en raison de la cohorte examinée (plus de 54 000 agriculteurs) et le temps d’étude (près de 30 ans).

 

Glyphosate, la nouvelle amiante? Une contre-vérité scientifique

Le glyphosate ne peut en rien être comparé à l’amiante et pourtant beaucoup de médias surfent sur cette comparaison mensongère.

Pourquoi ne relayer que les échos les plus alarmants qui font du glyphosate un produit cancérigène détonnant ? Il s’agit là d’un parti pris journalistique, au croisement du buzz et du manque d’audace. Dans le cas du glyphosate, l’équation est par ailleurs parfaite: des industriels puissants (mais peu appréciés) et une vérité scientifique brouillée par une minorité active. C’est assez pour faire le lit de militants écologistes toujours prêts à voir le mal chez le voisin. La machine est désormais si bien rodée que les parallèles entre le glyphosate et l’amiante apparaissent comme des éléments de langage de groupes de pression, repris sans aucun questionnement par la sphère médiatique (une simple recherche Google donne ainsi des résultats pour le moins effarants).

L’association, complètement fallacieuse, entre glyphosate et amiante, utilisée tour à tour par des ONG comme Greenpeace ou des journalistes aux allégeances douteuses, va au-delà de la vérité scientifique. Comme le souligne le blog spécialisé « Science Etonnante », la comparaison est totalement démesurée. « Quantitativement parlant, on est très, très loin des chiffres de l’amiante. Les surmortalités associées à l’amiante sont gigantesques, et là pour le glyphosate, sur une cohorte de plus de 50 000 travailleurs exposés, on ne voit rien de significatif. »

Une contre-verité pourtant répétée ad nauseam, sans la moindre considération d’un tel effet sur l’opinion publique…

Le glyphosate, l’amiante de demain? Une contre-vérité scientifique

Aujourd’hui, pour les journaux qui se sont engouffrés dans la brèche du catastrophisme, il est très difficile de faire marche arrière. Le Monde qui publie les « Mosanto Papers », dans une perspective que d’aucuns jugent militante, a finalement été contraint de couvrir l’étude de l’AHS. Non sans attirer l’attention sur « les biais potentiels » de cette dernière, à savoir que « les équipements de protection ne protègent pas nécessairement des pesticides, et ce peut être même parfois l’inverse, ainsi que nos travaux l’ont mis en évidence ».

En somme, moins on est protégé, plus on est protégé… Ou quand le militantisme et le biais de confirmation finissent par faire dire des énormités.

 

Bertrand Mayeux, auteur invité.

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