
Presstalis, la sociétée chargée de la distribution de la presse, menace d’emporter dans ses déboires financières une part non-négligeable de la presse. L’entreprise est historiquement tenue par le syndicat du livre, qui a également la mainmise sur la mutuelle uMen de la presse.
Le secteur de la presse est en crise. Les journaux ne se vendent plus, et les aides de l’Etat ne suffisent même plus à éponger les dettes abyssales. Alors que certains bienheureux se félicitent de l’arrivée de petits nouveaux dans la presse écrite (Ebdo, Vraiment, etc.), un regard plus attentif montre que les quelques titres qui fleurissent ne peuvent cacher la menace mortelle qui plane toujours plus près au-dessus de ce secteur. Le danger s’appelle Presstalis. Née sous le nom de Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) en 1947, Presstalis a adopté son nouvelle dénomination en 2009, mais n’a pas su (et voulu) moderniser ses méthodes issues du syndicalisme le plus gauchisant et obscurantiste qui soit.
Presstalis : le puits sans fond(s) d’un syndicalisme opaque
Doté d’un ADN tout droit sorti d’un monde révolu et enterré, il n’est pas surprenant de voir les crises se succéder. En 2012, on se souvient que les salariés de Presstalis avaient empêché la parution du Monde, du Figaro et même du génial Libération pour protester contre la restructuration d’un groupe à l’agonie. Les effectifs avaient dû fondre de moitié, mais Presstalis n’a pas appris sa leçon. En 2018, la situation est au moins aussi catastrophique et si la suppression de 200 à 300 postes est déjà prévue, il va falloir trouver des solutions complémentaires.
La direction de Presstalis doit trouver 140 millions d’euros pour combler les pertes et 50 millions supplémentaires pour financer sa restructuration. Comme toujours, les plans sociaux coûtent cher car se séparer sans faire de vague d’ouvriers (tous syndiqués), touchant des sommes mirobolantes selon un rapport sénatorial (jusqu’à 4 000 euros par mois selon le site Paycheck, tend même à aggraver les comptes plutôt qu’à les rétablir. Et quand on sait qu’il y a deux fois plus de cadres que d’ouvriers, les plans sociaux sont coûteux…
La gabegie est complète et l’Etat ne peut plus fermer les yeux. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen a enfin évoqué son intention de procéder à une « réforme profonde » d’un secteur de la distribution à bout de souffle. Toutefois, l’Etat fera au moins un dernier petit tour de piste en dilapidant quelques millions d’euros supplémentaires et les journaux vont être obligés de verser 2,25 % de leurs ventes à Presstalis pendant près de cinq ans ! Les « grands journaux » ne bronchent pas, car ils savent que sans ce distributeur, ils peuvent déjà mettre la clé sous la porte. Mais pour les journaux à plus faible tirage, il s’agit bien d’une mise à mort.
Un journal comme Minute est à deux doigts de passer l’arme à gauche à trop devoir financer les treizième et quatorzième mois des salariés de Presstalis. Si la possible fin de Minute fera certainement plaisir aux rouges de Presstalis, il sera plus difficile de justifier la mort programmée de dizaines d’autres journaux tombés (DSI, Canard PC, Politis?) pour que survive encore un temps une momie léniniste nommée Presstalis.
Car il ne faut pas perdre de vue que tous ces problèmes trouvent un lien avec la gestion opaque du tristement célèbre syndicat du livre. Presstalis est le bras armé du Syndicat général du livre et de la communication écrite CGT (SGLCE-CGT). Une image qui colle bien à la peau d’une société qui avait réuni plus de 5 000 armes dans les années 1980 en prévision du Grand soir ! Le genre d’affaire qui ne fait pas broncher un individu comme Laurent Joseph, salarié chez Presstalis, et surtout délégué central Presstalis SGLCE-CGT. Ce dernier est de tous les mauvais combats et en grand démocrate rouge, il a considéré comme normal, en 2016, de ne pas distribuer tous les journaux qui avait refusé de publier une tribune du grand patron de la CGT, Philippe Martinez.
Après les revenus de la presse, la mutuelle?
Plus surprenant, peut-être, est de retrouver ce même Laurent Joseph sur un trône cégétiste avec le sceptre de la présidence de la mutuelle uMen (ex-Audiens). Le lien est néanmoins vite établi: la mutuelle uMen est la mutuelle pour les professionnels du spectacle, de la communication et de la presse, un milieu que le SGLCE-CGT connait bien. Avec son compère Jean-Michel Floret, qui selon les informations non confirmées de L’Oeil pour le Dire aurait été mis en cause dans un scandale financier en Roumanie, Laurent Joseph fait emprunter un chemin bien dangereux à la mutuelle uMen. Celle-ci, en plein essor jusqu’à la décision de lui faire quitter le giron du groupe Audiens, fait désormais face à de multiples problèmes si l’on en croit la presse. Seule au milieu du géant Harmonie et confrontés aux déboires financiers du centre René Laborie, la mutuelle uMen semble avoir quelques difficultés à digérer sa séparation avec son groupe de tutelle. Un divorce qui coûte d’autant plus cher que, comme le fait savoir la Lettre A, la mutuelle uMen a dû adopter un nouveau nom sur décision de justice et depuis des adhérents se sont empressés de quitter le navire.
La mutuelle uMen file un très mauvais coton et il semble qu’après le secteur de la distribution presse, ce soit le domaine de l’assurance qui sombre en raison d’une gouvernance que d’aucuns qualifient en termes très durs. Pour les journalistes, c’est double peine. Perdre son boulot du jour au lendemain et être assuré par une mutuelle à l’avenir incertain n’a rien de très enthousiasmant… Merci la CGT?