
Le récent déplacement officiel d’Emmanuel Macron en Égypte n’a pas manqué de relancer les sempiternelles critiques de la part des « ONG » sur les ventes d’armes françaises au Caire. Ces accords commerciaux sont pourtant indispensables pour notre économie, notre souveraineté et notre influence. Et si, sous prétexte de défense des droits de l’homme, certaines ONG cherchaient précisément à saper le rayonnement de la France ?
Depuis 2014, l’Égypte s’est lancée dans une vaste modernisation de ses forces armées. Une dynamique dans laquelle la France joue un rôle essentiel, puisqu’elle s’est déjà engagée à fournir de nombreux équipements, notamment 24 chasseurs Rafale, un satellite de télécoms militaire, quatre corvettes Gowind… Des ventes qui représentent près de 7 milliards d’euros de contrat pour l’industrie d’armement française sur la période 2014 – 2017.
La visite d’Emmanuel Macron au Caire le 29 janvier dernier a été l’occasion pour les ONG de monter à nouveau au créneau sur ce sujet des ventes d’armes à l’Égypte. Comme d’habitude depuis une vingtaine d’années, la presse relaie largement leurs protestations sur les droits de l’homme : Amnesty International, Human Rights Watch, l’Observatoire de l’armement, La Ligue des Droits de l’Homme, Reporters sans frontières : tous les communiqués de presse se suivent et se ressemblent. Tous condamnent la situation des droits humains en Égypte et somment l’État français de cesser ces ventes d’armes.
Mais la France peut-elle se permettre de sacrifier ces contrats stratégiques sur l’autel des considérations morales — parfois compréhensibles — de certaines ONG ? 23 avions de chasse Rafale (sur les 24 vendus en 2015) et 200 véhicules blindés légers ont d’ores et déjà été livrés. Une très bonne nouvelle pour l’Égypte, en pleine opération militaire contre les terroristes dans la région du Sinaï. Mais aussi pour la France, pour au moins trois raisons.
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Des contrats triplement stratégiques
D’abord pour notre économie : Selon notre ministère des Armées, l’industrie française de la Défense est composée d’environ 10 grands groupes et plus de 4 000 PME. Ce tissu industriel représente plus de 200 000 emplois de haute technicité non délocalisables et 15 milliards d’euros de chiffres d’affaires.
« Chaque année, les entreprises du secteur embauchent environ 5 000 jeunes diplômés et signent plus de 4 500 contrats d’apprentissage », souligne Stefano Chmielewski, ancien président du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (Gicat).
Pour l’expert, l’industrie de la défense est « un des rares secteurs avec l’aéronautique à contribuer positivement à la balance commerciale de la France. Dans certaines régions, le secteur de la défense représente plus de 7 % des emplois industriels ». Des régions, comme la région Centre, qui sont souvent touchées depuis plusieurs décennies par la désindustrialisation. Il serait pour le moins déplacé, au moment où la crise des gilets jaunes rappelle les difficultés de la « France périphérique », de menacer la rentabilité économique d’un tissu industriel si bien implanté dans les territoires.
Les contrats d’armements sont aussi une bonne nouvelle pour notre souveraineté : depuis un demi-siècle, notre pays a fait le choix d’équiper ses forces armées avec du matériel français. Or le marché intérieur (les troupes françaises) ne suffit pas à amortir les investissements nécessaires en matière de recherche et de production. D’où l’impérieuse nécessité d’exportation. Vendre du matériel militaire à l’étranger, c’est financer un armement français pour nos troupes, un atout de souveraineté non négligeable.
Enfin, ces partenariats avec l’Égypte sont un atout pour l’influence française : en répondant aux besoins des pays demandeurs, la France noue des partenariats stratégiques. Pour la formation des hommes à l’usage du matériel et l’entretien de celui-ci, Paris et Le Caire se doivent de nouer une relation solide sur le long terme. Il s’agit donc d’un puissant outil diplomatique et d’influence pour les prochaines années.
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« Aucune ambiguïté », sauf du côté de certaines ONG
Comme l’a souligné Emmanuel Macron, les contrats passés avec l’Égypte ont été signés « dans le cadre des procédures prévues par la France à des finalités militaires ». Des armes qui ne sont pas destinées au maintien de l’ordre. Pour le président français, il n’y a « aucune ambiguïté possible » dans la nature des contrats d’armement entre la France et l’Égypte : « il s’agit de protéger et défendre le territoire égyptien contre des ennemis venant de l’extérieur ».
L’ambiguïté est en réalité du côté des ONG. Celles-ci bénéficient en France d’une popularité telle que leurs intérêts, leurs méthodes et leurs cibles sont rarement questionnés par la presse. Comme le souligne dans l’Opinion Christian Harbulot, qui dirige l’École de guerre économique à Paris, « les ONG bénéficient d’un chèque en blanc comme personne n’en reçoit dans la société ». « Proclamées et considérées comme représentantes de la société civile, elles bénéficient d’un traitement médiatique bienveillant. Pourtant, elles représentent des intérêts parfois opaques et entretiennent des liens qui amènent à douter de leur éthique et de la sincérité de leurs combats », explique pour sa part l’ex-député Bernard Carayon, créateur de la fondation Prometheus, qui évalue la transparence des ONG.
Certaines sont en effet proches de puissances étrangères, parfois en concurrence avec la France sur le marché de l’armement. Dans son sixième baromètre sur la transparence des ONG, la Fondation Prometheus rappelle ainsi que les financements de Transparency International proviennent en grande partie de multinationales et d’organismes gouvernementaux américains. Un soutien qui influerait sur les cibles et les sujets de prédilection de l’ONG, plus prompte à s’engager sur des dossiers susceptibles de servir les intérêts de grands groupes états-uniens. L’influence de Washington se retrouve aussi au sein d’autres ONG, comme Amnesty International ou Human Rights Watch.
Ainsi, l’entêtement de certaines « organisations non gouvernementales » à dénoncer l’industrie de Défense française, notamment quand celle-ci est en concurrence avec des entreprises américaines, n’est peut-être pas tout à fait le fruit du hasard. En 2001, l’ancien secrétaire d’État américain Colin Powell déclarait « Les ONG sont un démultiplicateur de force pour nous ». Si le discours de certaines ONG est louable et sincère, il n’est pas inutile de rappeler que dans la guerre économique qui se joue entre les nations, par exemple sur le marché de l’armement égyptien, tous les coups sont permis. Sur ce sujet délicat et stratégique de nos exportations d’armes, on attend de la presse française un peu plus d’esprit critique vis-à-vis de certains acteurs.
Excellent article, enfin un contrepoint à la dialectique des ONG des Droits de l’Homme…