Quand Bruxelles freine l’aluminium vert à coups de taxes

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Alors que l’industrie européenne de l’aluminium cherche à verdir sa production, les taxes à l’importation mises en place par la Commission européenne favorisent le métal chinois. Peu cher mais extrêmement polluant, celui-ci dépend à 90 % du charbon pour sa production.

Maintenir un secteur industriel à flots tout en satisfaisant aux objectifs environnementaux et climatiques, voilà le défi auquel se propose de répondre l’industrie de l’aluminium en Europe. Une gageure, tant le poids du secteur industriel global, dans les pays occidentaux et particulièrement au sein de l’Union européenne (UE), se contracte depuis plusieurs décennies – il est passé d’environ 25 % à 22 % du produit intérieur brut (PIB) européen entre 1998 et 2018, selon Touteleurope.eu. Alors que des pays comme la Chine ou la Russie possèdent une industrie certes déclinante, mais qui culmine tout de même à 41 % et 32 % de leur PIB respectif.

Aujourd’hui, le secteur aval de l’aluminium – qui permet l’utilisation de ce métal par toute sorte d’entreprises – dans l’UE représente 92 % des emplois et 70 % du chiffre d’affaires de l’industrie européenne. L’idée de certains géants du secteur est donc de préserver ces excellents chiffres tout en convertissant leur industrie aux standards durables du moment. Pour rappel, Bruxelles s’est engagée à réduire d’ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre, responsables en grande partie du dérèglement climatique, d’au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Et de 80 à 95 % d’ici 2050, selon ses objectifs à long terme.

 

« Une sorte de devoir moral »

Des groupes européens ont d’ores et déjà choisi de recourir aux énergies renouvelables (solaire, hydraulique, éolien, etc.) afin d’assurer une production d’aluminium décarbonée au maximum. Pour certains d’entre eux, il y avait urgence : la société Trimet, géant allemand de l’aluminium, consomme par exemple autant d’électricité par an qu’une ville de… 2,5 millions d’habitants. Ses chercheurs ont donc mis au point un système capable d’absorber les fluctuations de courant inhérentes à l’éolien et au solaire sans aucune conséquence sur la qualité/quantité de la production du métal.

« Notre motivation est simple : c’est de continuer à produire de l’aluminium en Allemagne, dans le nouveau contexte énergétique. Pour nous, c’est une sorte de devoir moral envers la population allemande. Nous voulons démontrer que nous faisons partie de la solution, que nous n’allons pas causer de problèmes », affirmait en octobre dernier Heribert Haück, le patron du secteur énergie de Trimet, qui a investi 25 millions d’euros en fonds propres dans la mise au point de ce procédé vertueux.

En Allemagne, toujours, l’entreprise norvégienne Norsk Hydro s’est lancée dans le recyclage des profilés en aluminium, la plupart du temps récupérés sur des portes et des fenêtres en fin de vie, afin d’approvisionner en aluminium recyclé sa fonderie de Clervaux au Luxembourg. C’est en 2018 que le groupe a opéré sa petite « révolution », en passant du traitement de chutes ou rebuts d’usines aux déchets d’aluminium « post-consommation ». De quoi permettre à la production européenne d’aluminium, responsable à elle seule de 3 % des émissions totales de gaz à effet de serre, de polir un peu son empreinte carbone.

Toutefois, l’industrie ne pourra tendre vers la perfection écologique et environnementale sans un coup de pouce de Bruxelles. Qui, plutôt que d’encourager une production/consommation verte d’aluminium sur le continent, met des bâtons dans les roues des consommateurs en instaurant des taxes, sous formes de droits d’importation, qui peuvent varier de 3 à 6 %. Soit un surcoût, pour les entreprises du secteur aval qui désirent se fournir en aluminium européen, qui atteint jusqu’à 18 milliards d’euros, selon une étude dirigée par l’Université Luiss de Rome.

 

Bruxelles invitée à revoir sa politique commerciale

Conséquence de quoi, l’industrie utilisatrice d’aluminium ne parvient plus à investir pour développer ses capacités de production et ainsi répondre à la demande interne qui progresse de façon constante. En 2017, l’industrie aval était toujours sous son niveau de production d’avant la crise de 2008. De 2010 à 2017, la part représentée par l’industrie européenne aval dans la demande domestique totale a ainsi diminué de 21 %. Dans le même temps, les importations de produits semi-finis dans l’UE ont quant à elles augmenté de 44 % ; dynamique à laquelle la Chine et l’Inde ont largement contribué.

Une aberration que dénonce régulièrement la Fédération des consommateurs d’aluminium en Europe (FACE), qui appelle la Commission européenne à « lever les droits d’importation sur l’aluminium primaire », qui mettent selon elle l’avenir de certaines petites et moyennes entreprises (PME) en danger, « alors que l’Europe est un importateur croissant d’aluminium brut, dépendant des importations pour plus de 74 % de ses besoins ». « Une telle surcharge de coûts sur une industrie à faible marge, où l’aluminium primaire représente plus de 50 % des coûts de fabrication des produits semi-finis, constitue une menace pour la survie de l’industrie, composée essentiellement de milliers de PME qui souffrent déjà d’une forte concurrence internationale, notamment de la Chine », pointe-t-elle du doigt.

La politique commerciale européenne ne met donc pas « simplement » en danger le vivier industriel du continent, estime la Fédération, mais elle favorise l’utilisation d’un matériau peu cher et… peu regardant des normes écologiques et environnementales. Toujours selon l’étude de l’Université Luiss, alors que la demande de produits en aluminium de l’UE augmente de 3 % par an en moyenne, cette marge est « offerte » aux industries chinoises, notamment, qui dépendent pour leur confection d’aluminium à 90 % du charbon, l’une des sources énergétiques les plus polluantes qui soit.

« Nocif pour l’industrie européenne, l’aluminium chinois l’est aussi pour l’environnement, affirmait en avril dernier dans une tribune Lionel Taccoen, ancien représentant d’EDF auprès des institutions européennes. Le recours massif au charbon dans sa fabrication se traduit par des émissions de gaz carbonique à l’avenant : massives. » Partant du principe qu’’1 kilowattheure (kWh) issu du charbon provoque une émission quasiment égale à 1 kilogramme de CO2, l’expert souligne qu’« en 2017, l’industrie chinoise a utilisé près de 440 térawattheures provenant du charbon [soit] 418 millions de tonnes de CO2 ».

« Si l’UE prend au sérieux son objectif proclamé de renaissance industrielle, rappelle FACE, elle doit libérer le secteur de l’aluminium en aval de l’UE d’une situation aussi dommageable ». Autrement dit, le libérer d’une taxe d’importation sur sa matière première qui est pénalisante et économiquement et environnementalement absurde.

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1 réaction à “Quand Bruxelles freine l’aluminium vert à coups de taxes”

  1. les membres de la commission de Bruxelles sont majoritairement des débiles cérébraux profonds !

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