Coupures d’Internet en Guinée : la grossière manœuvre d’Alpha Condé

« La Direction générale de Guilab SA informe son aimable clientèle que dans le cadre des travaux de mise à niveau des installations du réseau de câble sous-marin ACE, il est planifié du 17 au 22 mars 2020 des opérations qui entrainerons l’interruption des communications internationales (appel téléphonique & Internet)». (SIC)

Voici le communiqué qu’ont reçu les clients de la Guinean Broadband (Guilab), 1er opérateur d’infrastructures de télécommunications en Guinée. Hasard du calendrier, cette coupure d’Internet a lieu pendant le (très polémique) double scrutin, qui couple élections législatives et référendum constitutionnel. Ces élections auront lieu dimanche et leur légitimité est contestée par une majorité écrasante de Guinéens qui s’apprêtent à les boycotter.

Une méthode dont usent et abusent les régimes autocratiques 

Ce n’est pas la première fois qu’en Afrique, des pays  « disparaissent » du Web pendant quelques jours le temps d’une élection. « La coupure des télécommunications en période électorale fait désormais partie de l’arsenal des régimes africains qui craignent l’insurrection populaire » explique le reporter Joan Tilouine dans un article du Monde.

Dans un rapport publié en 2019 par le think tank CIPESA (Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa ), il est précisé que « pas moins de 22 gouvernements africains ont ordonné des coupures du réseau Internet » depuis quatre ans. La République Démocratique du Congo en faisait encore les frais pendant les élections présidentielles de 2019. Face à des diplomates exhortant le pouvoir de rétablir les télécommunications, un conseiller du chef de l’État avait répondu « On ne peut pas permettre à ceux qui veulent provoquer le chaos d’agir ».

Un shutdown au service d’Alpha Condé

Pour justifier ces coupures, les opérateurs téléphoniques avancent des raisons toujours fallacieuses : problèmes techniques ou raisons sécuritaires. Mais en Afrique, personne n’est dupe et tout le monde sait que les gouvernements veulent paralyser les opinions politiques et les mouvements insurrectionnels. La République de Guinée n’échappe malheureusement pas à la règle.

Le régime d’Alpha Condé est de plus en plus contesté à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Amnesty International déplore que « seul un policier a été condamné pour un homicide lors d’une manifestation en 2016 », alors que l’on dénombre pas moins de 400 morts lors de manifestations contre le gouvernement depuis une dizaine d’années.

Une dérive autoritaire qui inquiète la communauté internationale

Depuis le printemps 2019, un mouvement d’opposition s’est mis en place en Guinée pour s’insurger contre la volonté d’Alpha Condé d’organiser un référendum afin de modifier la Constitution, qui lui permettrait d’être réélu à l’occasion d’un troisième mandat. Un troisième mandat présidentiel dont personne ne souhaite en Guinée. La manœuvre fut aussitôt dénoncée par de nombreux Guinéens, rassemblés au sein du Front national de défense de la constitution (FNDC).

Par ailleurs, des anomalies statistiques liées à l’organisation et à la tenue de ces élections ont été dénoncées par des organisations internationales. Un audit réalisé par l’ Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Union européenne (UE) et l’Organisation des Nations unies (ONU) identifiait dans le fichier électoral national 2,5 millions de noms de votants potentiels correspondant à des doublons ou à des personnes décédées. Soit au total 2,4 millions d’électeurs fictifs.

Une mission de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) devait se rendre mardi pour une médiation avec Alpha Condé. Mais ce dernier aurait fait faux bond à cette délégation. Aujourd’hui, plus aucune organisation internationale n’est présente sur le territoire. L’impartialité et la transparence des élections ne pourront être garanties.

 

 

 

 

 

 

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