
A 92 ans, le dernier père d’Astérix et Obélix est allé rejoindre Goscinny au panthéon gaulois. Ce dessinateur de génie de la bande dessinée humoristique franco-belge avait commencé à dessiner Astérix en 1959. Jusqu’en 1977, la fructueuse collaboration avec Goscinny nous avait fait rêver, avant qu’il ne continue, seul et avec beaucoup de talent, la série à partir de 1980. En 2013, il passait définitivement la main, tout en exerçant un droit de regard sur les scénarios et les dessins des nouveaux albums. Publiés dans 111 langues, 380 millions d’albums ont été vendus entre 1959 et 2019.
La rencontre entre les deux hommes avait eu lieu en 1951, et avait laissé place à une grande amitié. Leur première collaboration avait engendré la création de l’Indien Oumpah-Pah, qui n’aura pas le succès escompté.
En 1959, les deux compères participent à la création du journal Pilote, qui paraîtra jusqu’en 1989. Uderzo est notamment en charge de la série Tanguy et Laverdure, avec Jean-Michel Charlier, et qui a pour thème l’aviation.
A travers Astérix, c’est la France des campagnes et du bon sens populaire qui prime toujours sur les folies citadines, le snobisme des Romains, la démesure de la modernité, qui n’égalera jamais le plaisir de vivre une vie simple, avec ses amis, autour d’un banquet de sangliers rôtis.
Dans Le domaine des dieux, c’est la construction moderne et le plaisir oisif qui met en danger la communauté gauloise. Obélix et compagnie met, quant à lui, en avant les risques que le capitalisme obtus peut faire courir aux liens naturels qui maintiennent en vie le village.
De nombreuses thématiques de la vie politique française sont, de même, traitées avec humour : Le grand fossé, métaphore de la gauche et la droite française, est une caricature de nos divisions si gauloises. Cette thématique de la division, ce grand mal français, est aussi traité dans La zizanie, ou encore Le combat des chefs. Mais, à chaque fois, c’est l’unité retrouvée du village qui est fêtée à la fin de chaque épisode.
La rose et le glaive moque, quant à lui, ce féminisme déjanté et agressif, devenu encore plus fou aujourd’hui. L’épisode de termine par une réconciliation entre les hommes et les femmes du village, tous unis face au vrai ennemi : l’envahisseur romain.
Mais Astérix est aussi un voyageur, qui découvre avec plaisir tous les peuples qui constituent la Gaule. Des Belges aux Corses, en passant par les Arvernes, c’est la France qui s’offre aux clichés les plus cocasses et les plus tendres à la fois. Les peuples européens ne sont pas en reste : en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie, en Suisse et, plus récemment, en Ecosse, les deux Gaulois nouent de nombreuses amitiés en dehors de la Gaule.
Astérix nous dit quelque chose sur nous, les Français. Que derrière les divisions et les bagarres du quotidien (notamment pour cause de poisson pas frais), un peuple au grand cœur souhaite encore et toujours se réconcilier autour de ce qui fait notre unité la plus concrète : notre art de vivre et notre attachement à l’indépendance, tout en préservant cette curiosité séculaire qui nous caractérise pour les peuples qui nous entourent.
Uderzo nous rappelle que, si nous le voulons bien, le Gaulois qui vit en chacun de nous ne mourra jamais, par Toutatis !