
C’est clair ; Assange a participé activement à la diffusion des documents préalablement volés par Bradley Manning, devenu on le sait Chelsea Manning.
L’intéressée aura passé en exécution de peine sept années en prison, par la grâce de Barack Obama réduisant sa peine initiale de 35 ans. Elle est ainsi libérée le 17 mai 2017.
Mais le 8 mars 2019, Chelsea Manning était à nouveau incarcérée pour entrave à la bonne marche de la justice, ayant refusé de témoigner contre Wikileaks devant un jury. Libérée à nouveau le 9 mai, elle est encore convoquée, devant un grand jury fédéral, et refuse à nouveau de parler ; retour en prison le 16 mai, condamnée cette fois-ci pour outrage. Durée de la détention ? Inconnue, car la condamnation est prononcée pour la contraindre à déposer devant le Jury…
De son côté, J. Assange encourt une peine de… 175 ans !
Le contenu des informations, fichiers et vidéos diffusés par Wikileaks, a été absolument désastreux pour l’image internationale des Etats-Unis. On ne saura jamais le rôle réel des Etats-Unis dans la brutale mayonnaise judiciaire montée autour du prétendu viol -pour avoir retiré son préservatif…- reproché à Assange à l’égard de deux femmes rencontrées lors d’une soirée en Suède.
Ce qui est sûr, c’est qu’entre l’enquête judiciaire suédoise -la Suède a finalement rendu un non-lieu-, l’accusation de violation du contrôle judiciaire britannique et le mandat d’arrêt américain, Assange a croupi à l’ambassade d’Equateur puis dans les geôles anglaises.
Mais « Julian Assange n’est pas un journaliste », a asséné James Lewis, l’avocat représentant les Etats-Unis à la Woolwich Crown Court à Londres lors de l’examen de la demande d’extradition américaine. Et d’ajouter que « ce n’est pas au tribunal de déterminer si Assange est un journaliste, un lanceur d’alerte ou un hackeur »…
On peut en discuter, mais a priori Wikileaks n’est pas autre chose qu’un organe d’information, quels que soient les reproches que l’on puisse lui faire sur le caractère légal ou non de l’origine de ses sources.
Ce qui est paradoxal, c’est que tous ceux qui en aval de Wikileaks ont largement publié les fichiers volés sont l’abri de toute poursuite américaine ; en particulier The New York Times, le Monde, The Guardian, El Pais et Der Spiegel.
On doit alors s’interroger sur les motivations de la Justice américaine. Elle prétend que ses poursuites cherchent essentiellement à identifier les sources de Wikileaks, qui seraient une menace pour la sécurité du pays.
Assange ne serait pas un vulgaire receleur de vol de données, mais carrément un espion mettant en danger la sécurité des Etats-Unis
On peut le dire comme cela, et nul doute qu’une majorité -massive- au sein de la population américaine partage cet avis.
Mais les choses ne sont jamais simples en politique surtout quand on veut appliquer des principes.
Or il ne fait pas de doute que des Manning, Assange et autres Snowden rendent de singuliers services à ceux qui veulent savoir comment fonctionne la première puissance mondiale, en matière de surveillance des personnes et dans ses méthodes militaires.
La vidéo qui montre un hélicoptère mitrailler un van récupérant des civils blessés est proprement insupportable, d’autant que les liaisons radio entre l’aéronef et son commandement illustrent un rare mépris pour des hommes, civils non armés, au sol, essayant de sauver leur peau.
L’espionnage de notre vie privée, de notre pays, pourtant allié, le tout à grande échelle, n’est pas plus tolérable.
Etait-il donc légitime de violer la loi américaine en pillant les données informatiques ? La réponse est oui, sans quoi nous ne saurions rien du dessous des cartes et de la réalité de la politique internationale, biberonnés que nous sommes aux médias mainstream.
Jusqu’à ce que Wikileaks s’attaque à la puissance américaine, les révélations d’Assange n’avaient déclenché que des mesures de rétorsion rudes mais non mortelles.
Aujourd’hui, c’est la guerre totale et les Etats-Unis entendent bien faire céder les dernières barrières qui protègent les journalistes, en imposant d’abord leur vision des choses à la justice britannique.
Si celle-ci autorise l’extradition d’Assange, on pourra dire que le Royaume Uni est définitivement un pays vassal des Etats-Unis.
Quel pays occidental aura, dans ce contexte, la force de protéger les lanceurs d’alertes légitimes ? Plus aucun journaliste ne sera à l’abri de la puissance judiciaire américaine.
On aura ainsi donné raison à Mike Pompeo (« il est temps de dire ce que WikiLeaks est réellement : un service de renseignement non étatique hostile, souvent soutenu par des acteurs étatiques comme la Russie »).
Cela ne tombe pas par hasard, puisque la Russie, qui protège encore Snowden, ne devrait pas se faire acheter facilement comme les autorités équatoriennes pour Assange…