Développement et conséquences du coronavirus en Asie Centrale

Région du monde souvent passée à la trappe par les analystes occidentaux, l’Asie Centrale n’en est pas moins l’une des régions les plus importantes du monde. Au cœur de l’Eurasie, cette vaste région, qui comprend le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan, est au centre de jeux d’influences entre Russie, Chine, Etats-Unis et Turquie.

Traditionnellement réputée être « l’arrière-cour » russe, l’Asie Centrale, par le passé intégrée à l’URSS, oscille de plus en plus vers la Chine, qui tend à gagner en influence politique et économique dans la région. La crise sanitaire pourrait accentuer ce phénomène, et entraîner les pays centrasiatiques à se constituer en organisation régionale afin de peser davantage face au géant chinois.

Le 30 avril, le Kazakhstan comptabilisait 3 504 personnes infectées par le virus, contre 2 046 en Ouzbékistan, et 756 au Kirghizstan. A l’origine, les pays centrasiatiques estimaient que la pandémie aurait peu d’impact sur leurs territoires : constituant un ensemble territorial presque aussi vaste que l’Union Européenne, ces pays ont toutefois une densité de population bien moindre que celle des Européens (19 habitants / km², contre 105 habitants / km² pour l’UE). En outre, ne constituant pas une zone touristique d’importance, il pouvait apparaître que les risques étaient moindres dans cette zone que dans d’autres parties du monde, notamment l’Asie du Sud-Est, l’Europe ou les Amériques.

Il semblerait que la région a été contaminée, non par des voyageurs revenant de Chine, mais des Etats-Unis et de l’Europe de l’Ouest. Face à la progression du virus, l’Ouzbékistan avait décidé, au mois de mars, de fermer ses écoles et d’annuler un nombre conséquent d’événements. Une interdiction avait de même été faite aux citoyens ouzbèkes de voyager.

Au Tadjikistan, le gouvernement a de même interdit les compétitions sportives et fait périodiquement fermer les écoles. A l’inverse, le Turkménistan, s’il a verrouillé ses frontières, avait fait le choix de ne pas confiner sa population et de maintenir les matchs de football.

L’impact économique du virus est énorme pour la région, qui reste fortement dépendante de l’économie russe, notamment le Tadjikistan et le Kirghizistan, pays dans lesquels l’argent envoyé par leurs concitoyens travaillant en Russie représente respectivement 29,7% et 29,6% de leurs PIB.

La crise entraîne la survenance de plusieurs risques pour l’Asie Centrale : premièrement, un choc économique énorme, qui pourrait déstabiliser l’ensemble de ces pays et entraîner une vague de chômage et de pauvreté. Ensuite, un accroissement des contestations et de l’insécurité du fait même de ces répercussions économiques. Enfin, un boulevard pour les groupes djihadistes centrasiatiques, qui pourraient profiter de ces déconvenues pour renforcer leur présence locale. Ces groupes utilisent, notamment, le sentiment antichinois qui se développe en Asie Centrale, afin de tenter de fédérer autour de leur idéologie. Le risque d’infiltration de djihadistes venus d’Afghanistan constitue de même un risque sérieux.

Face à ces enjeux régionaux, Shavkat Mirziyoev, l’actuel président de l’Ouzbékistan, tente d’impulser une réponse collective avec ses voisins, y compris l’Afghanistan, perçu de plus en plus comme un acteur majeur de la région, même s’il n’est pas anciennement soviétique.

En outre, la crise économique que vit actuellement la Russie (pandémique, mais aussi liée à la baisse du prix du pétrole), fait que le pays ne pourra pas, à moyen terme, réintégrer la masse des travailleurs centrasiatiques sur son marché intérieur. Ce remodelage économique pourrait se traduire par une perte d’influence de la Russie en Asie Centrale au profit de la Chine, qui quant à elle semble se remettre beaucoup plus rapidement.

En définitive, il semblerait que la crise du coronavirus constitue un accélérateur de la fin de la période « post-soviétique » pour la région, appelée à accroître ses propres choix géostratégiques.

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