
Économie, gestion du dossier nord-coréen, relations diplomatiques avec le voisin japonais : sur ces trois dossiers essentiels, le Président sud-coréen Moon Jae-in multiplie les échecs et les désaveux depuis plusieurs mois. Mais la réussite de son gouvernement dans la gestion du Covid-19 lui assure désormais une solide majorité parlementaire… Pour combien de temps encore ?
Détournement de fonds et abus de confiance : le 20 mai dernier, le parquet de Séoul ouvrait une enquête contre Yoon Mee-hyang, figure montante du parti au pouvoir en Corée du sud. Une parlementaire poursuivie par la justice pour des soupçons de malversations financières dans sa direction de la très médiatique et très emblématique association « Conseil coréen pour le souvenir de l’esclavage sexuel militaire japonais ». Un véritable scandale qui secoue « le pays du matin calme », tant le mouvement était devenu au fil des ans un véritable « totem » dans la société coréenne. Mais désormais les dernières victimes encore vivantes, évincées depuis plusieurs années dans l’association au profit d’une direction très proche du Parti Démocrate et de militants estudiantins, accusent Yoon Mee-hyang de s’être enrichis sur leurs malheurs et reprochent au gouvernement de Séoul d’utiliser leur histoire comme arme médiatique dans les négociations diplomatiques avec le Japon.
Une affaire judiciaire emblématique des difficultés du « parti démocrate unifié » depuis plusieurs mois : le parti de centre gauche, particulièrement vindicatif sur le sujet des réparations de guerre réclamées au Japon pour ses agissements durant la Seconde Guerre mondiale, avait justement fait de Yoon Mee -hyang, la présidente de l’association de défense des femmes de réconfort, l’un de ses porte-étendards lors des élections législatives du 15 avril 2020. Des déboires avec la justice coréenne qui vont bien au-delà d’une simple « erreur de casting » et symptomatiques des choix politiques du parti au pouvoir.
Sauvé par le Covid-19… Pour l’instant
Ces dernières élections législatives avaient pourtant des allures de véritable plébiscite populaire pour Moon Jae-in et sa gestion du Covid-19. L’efficace enrayement de l’épidémie par le gouvernement de Séoul, salué mondialement, a assuré au Président en place une nouvelle majorité absolue solidifiée par une participation record (66,2 %), la plus forte pour des législatives depuis 28 ans. Mais, depuis, la roue a tourné : un mois plus tard, la « Maison bleue », résidence officielle du chef de l’État sud-coréen est déjà à nouveau dans la tourmente et sous le feu des critiques.
En faisant exploser le 16 juin dernier le bureau de liaison intercoréen situé sur son territoire dans la ville frontalière de Kaesong, la Corée du Nord a littéralement humilié le gouvernement sud-coréen. Bien que le bâtiment ait été vide au moment de sa destruction, il accueillait une quarantaine de fonctionnaires des deux pays depuis 2018 et symbolisait à lui seul la politique de conciliation entreprise par la gauche au pouvoir à Séoul.
Car en 2017, lors de son arrivée au pouvoir, Moon Jae-in promet une présidence de rupture. Un coup de barre à gauche sur trois sujets majeurs : l’économie, la gestion du dossier nord-coréen et les relations diplomatiques avec le voisin japonais.
Sur chacun de ses trois dossiers, Moon Jae-in a déçu une large partie de l’opinion publique : en janvier dernier, la Corée du Sud enregistrait une croissance de 2 % de son PIB, soit le rythme le plus faible en 10 ans. Sur le dossier de la Corée du Nord, l’attitude pacifiste de Moon Jae-in a mené les négociations de paix dans une impasse, symbolisée justement il y a quelques jours par l’explosion du bureau de liaison intercoréen par le voisin du Nord. Depuis plusieurs mois, la presse conservatrice coréenne est vent debout contre une politique parfois comparée à « l’esprit de Munich », tant la posture résolument conciliante de Moon Jae-in a conduit finalement à un renforcement des ambitions nord-coréennes. Enfin, sur la question des relations avec le Japon et des dédommagements pour les crimes de guerre effectués durant la Seconde Guerre mondiale, le sujet est toujours particulièrement populaire dans les mouvements politiques de gauche coréens, mais les déboires Yoon Mee -hyang et de son association marquent les limites de cette instrumentalisation qui a quelque peu perdu de sa raison d’être depuis qu’en 2015, Tokyo ait officiellement fait amende honorable pour les agissements de ses troupes il y a maintenant plus de 80 ans.
Si la réussite sud-coréenne dans la gestion du Covid-19 a offert un véritable bol d’air frais à Moon Jae-in et son gouvernement, le rebond de popularité dans les sondages a été de courte durée… Les échecs successifs sur les trois thèmes majeurs de sa présidence continuent de peser sur son mandat. Mais la route est encore longue jusqu’en 2023, date de la prochaine élection présidentielle sud-coréenne.