
La proposition de loi relative à la « sécurité globale », si elle est adoptée, va aggraver les pouvoirs de la police et réduire nos libertés de manière inédite. Nouvel exemple, s’il en fallait, que nous sommes entrés dans une époque orwellienne.
Une proposition de loi, selon notre constitution, émane du Parlement, tandis qu’un projet de loi est présenté par le gouvernement. Or ce texte a été préparé place Beauvau et validé par l’Elysée. La proposition est co-rédigée par le député La République en marche Jean-Michel Fauvergue, ancien patron du Raid… Les députés de la majorité n’ont évidemment pas les compétences juridiques pour préparer et présenter une telle proposition de loi.
“Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. » Cet extrait de la proposition de loi nº 3452 relative à la sécurité globale est préoccupante à bien des égards.
Quand, dans l’espace public, la police n’est pas en opération ?
Si cette disposition était adoptée, la presse et les citoyens ne pourraient tout simplement plus filmer les forces de police en opération. Autant dire que la France rejoindrait alors les pires régimes liberticides, d’autant qu’il faudra nous expliquer quand, dans l’espace public, la police n’est pas en opération.
Il est proprement impensable que cette disposition soit finalement adoptée. Et pourtant, ce n’est pas impossible au plan politique car on ne peut pas exclure qu’une partie de la droite vienne au secours de la majorité sur ce texte. Dans le contexte terroriste et de la dégradation de l’ordre public, on peut voir une union sacrée se créer autour de cette proposition de loi qui ne fait que répondre à la demande de sécurité de la population.
Ainsi Eric Ciotti (L.R), très en phase avec les syndicats de policiers, avait déjà déposé le 26 mai dernier, une proposition de loi projetant d’interdire « la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de policiers municipaux ou d’agents des douanes » sous peine de 15 000 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement. Les forces de l’ordre devraient être « non identifiables dans l’espace médiatique, y compris sur les réseaux sociaux », selon le texte de présentation de la proposition.
Un Etat totalitaire, et une presse complice ?
La demande de sécurité et de répression est prégnante dans notre pays. Emmanuel Macron a là une occasion rêvée pour continuer à chasser efficacement dans l’électorat de la droite et du Rassemblement National. Le siphonage de la droite traditionnelle et du RN est une constance du pouvoir actuel.
Les médias mainstream soutiennent le président, considéré comme le seul rempart face au R.N. Nous devrions en toute logique rencontrer une bronca unanime de la presse en réponse à cette proposition de loi liberticide ; et bien non ! A part Libération et quelques autres, la presse a fait allégeance depuis longtemps et, perfusée financièrement, n’a au fond pas le choix. Alice Thourot, pourtant avocat, députée LREM et co-signataire de la proposition de loi, précise qu’il sera possible de flouter le visage des policiers ; tâche impossible lors des diffusions en direct et pratiquement insurmontable pour ceux qui voudront dénoncer les abus policiers. La majorité des médias se bornent en effet à diffuser la parole officielle qui est sa source essentielle d’information, et de contenir les contestations de la politique gouvernementale, comme ils l’ont fait contre le peuple des gilets jaunes à force de rubriques contre les fake-news.
Cette disposition légale n’est en réalité qu’une manière d’envoyer un signal aux syndicats de policiers, et le parlement pourrait y renoncer lors des débats qui l’examineront.
Dans la négative, nous avons encore le Conseil Constitutionnel qui, pourtant habitué à rendre plus de services que d’arrêts, devrait là marquer son opposition.