Peut-on encore parler de la Palestine ?

Évoquer la question de Palestine, ce n’est pas seulement s’intéresser au sort d’un peuple, mais aussi à un pays qui n’existe en réalité pas ou plus. « Israël est une terre juive habitée par des arabes », disait Franz-Olivier Giesbert, lors d’une interview donnée ce 13 mai à Radio-Classique. Tout est dit par FOG. Mais la terre dIsraël est aussi la Terre Sainte pour les Chrétiens. Et cest surtout la terre habitée par les Palestiniens dont l’existence en tant que peuple est difficilement contestable. Posons-nous donc les questions qui sous-tendent la problématique récurrente liée la Palestine.

La question du territoire

Ce territoire, certes plus ou moins bien délimité, existe de longue date. Finalement, dans les suites de la désintégration de l’Empire Ottoman, c’est la Société des Nations qui va précisément le définir. À partir d’un objectif, qui est de permettre la constitution, à l’intérieur du territoire, d’un « foyer national pour le peuple juif sur la base du lien historique existant entre le peuple juif avec la Palestine dans le but de reconstruire leur foyer national dans ce pays, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existantes en Palestine », selon la résolution du Conseil de la SDN du 16 septembre 1922. La « Palestine mandataire », confiée au Royaume-Uni, fut alors créée. 

Si l’on s’attache aux mots, on constate que le terme d’État n’est pas employé, que ce soit pour les juifs ou les Palestiniens, à ceci près que le terme « pays » ne peut logiquement que concerner la Palestine. Mais cet État n’est pas reconnu, alors que pour les juifs, personne n’ignore que c’est leur projet de fond. On parlera de région, de territoire. Mais la suite verra vite la création d’Israël avec d’importants financement et appuis, tandis que les palestiniens n’y auront pas droit. Certains estiment que c’est parce les palestiniens ne constituent pas réellement une population homogène, motivée par une volonté politique de construire un pays. Or on doit bien admettre que la constitution d’Israël en tant qu’État implique nécessairement un État palestinien. Mais Israël n’en veut en réalité pas tandis que la communauté internationale n’y croit plus réellement.

À cet égard Jérusalem concentre toutes les contradictions qui rendent une solution probablement impossible, d’abord parce que les trois religions monothéistes, abrahamiques, revendiquent des droits sur la ville. À ceci près que les chrétiens n’y sont pas proprement retranchés comme les arabes musulmans. Ils ne défendent à Jérusalem que le maintien de leurs lieux de culte, sans revendications politiques. De sorte que la problématique se réduit à une confrontation entre juifs et musulmans.

L’affirmation de FOG, qui, certes rejoint la conviction majeure des juifs pratiquants, n’est pourtant pas acquise au plan historique, puisque la question du berceau juif est contestée par certains. 

Ce qui est cependant acquis, c’est qu’Israël est le siège d’une confrontation fondamentale entre juifs et musulmans. L’État juif, qui a engagé une compétition territoriale et de peuplement au préjudice des arabes palestiniens, a décidé de consolider sa puissance par le peuplement, quel qu’en soit le prix humain. Dès lors que la probabilité de la constitution d’un État palestinien s’éloigne à raison de la politique de colonisation, le conflit se réduit à une confrontation religieuse. 

La question coloniale

L’État israélien a adopté une politique de colonisation et la revendique officiellement, contre toutes les idées modernes du droit des peuples à disposer d’eux-même, et la loi internationale. Il y a pourtant là une certaine logique dès lors que la terre palestinienne et spécialement la ville de Jérusalem sont le berceau revendiqué de la judéité. Il n’y a pas à proprement parler de contradiction entre cette politique de colonisation forcée et le droit reconnu au juifs de créer leur « berceau national », pour reprendre les termes de la résolution de la SDN, faisant suite à la déclaration Balfour du 2 novembre 1917.

La seule solution pour Israël consiste à augmenter son territoire au maximum pour assurer sa sécurité et la place nécessaire à son développement ; c’est la politique continue des autorités, sourdes à la loi internationale. Benyamin Netanyahu a beau déclarer être « prêt à reprendre immédiatement » les négociations avec les Palestiniens tout en affirmant que « le président Abbas n’est pas disposé à le faire », selon lui. Ce qui n’est pas faux, le président de facto, puisque maintenu à son poste depuis la fin de son dernier mandat, de l’« autorité palestinienne », Mahmoud Abbas, est dans l’impossibilité de négocier quoi que ce soit sans trahir le peuple palestinien. On ne peut pas reprocher aux Israéliens d’avancer masqués ; les juifs s’installent dans des territoires qui indiscutablement ne font pas partie du territoire d’Israël de 1948. 

La volonté d’Israël est en réalité de rendre impossible la constitution d’un État palestinien en implantant partout des colonies ou en s’appropriant les terres et immeubles appartenant aux palestiniens. Le maillage est tel que concevoir un pays palestinien hors de la seule bande de Gaza est d’ores et déjà impossible.

L’inévitable embrasement

La dernière offensive a eu lieu à Jerusalem-Est, lorsque des palestiniens ont été expulsés de leurs maisons, ce qui a déclenché un nouvel accès de violences, suivi par l’offensive du Hamas à partir de la bande de Gaza. Cette fois-ci, le Hamas étonne par sa capacité offensive qui met à mal le fameux dôme de fer israélien. Le coût du dôme de fer est considérable ;  entre 35 et 50 000 US$ le missile, sans parler des infrastructures il est vrai largement financées par les USA.

Au-delà de l’aspect purement militaire, qui ne laisse que peu de doute sur son dénouement tant le déséquilibre des moyens est criant, il reste que la question ne peut être résolue par le conflit armé. Les israéliens sont unis derrière leurs forces armées, aussi modernes qu’efficaces, tandis que les palestiniens sont totalement désorganisés en dehors des forces combattantes du Hamas. Dans ce contexte, il est hautement probable que la région sera secouée régulièrement par des conflits, des accès de violences, dès lors que la force sera toujours du côté de l’État d’Israël tandis que les États-Unis seront toujours leur indéfectible allié et soutien.

Ce qui au fond n’est rien d’autre que la négation de la réalité d’un peuple et d’un pays palestiniens, par principe ou lâcheté, ne peut que constituer les prémisses d’une catastrophe humaine. Sans terre et sans pays, les Palestiniens ne se conçoivent qu’en sous-hommes et ne peuvent plus que se reconnaître en musulmans -la minorité chrétienne n’a plus d’influence- et donc tolérer les plus violents et déterminés, les religieux. L’issue n’est plus que la victoire ou la mort. Mais la situation devrait inéluctablement conduire à la disparition du peuple Palestinien, devenu apatride dans son propre pays…

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A propos de l'auteur Thierry Sautier

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