Faut-il contrôler les médias ?

La question du contrôle des médias se pose aujourd’hui d’une manière originale. On doit d’abord se réjouir que l’opinion reprenne sa liberté par rapport aux médias traditionnels qui détenaient l’exclusivité de l’information jusqu’à l’avènement d’Internet. Cependant, l’émergence de mouvements de type buzz et de relais d’informations parfois aussi complotistes qu’archaïques fait craindre une dégradation du niveau général d’éducation, et ce en contradiction avec une longue tendance à l’amélioration dans notre société.

Une émergence bienvenue

Le développement d’Internet et des messageries associées a certainement constitué une révolution majeure dans les rapports humains. Jusque là, le téléphone filaire et le courrier postal concentraient l’essentiel de la communication entre les hommes. Aujourd’hui, ce sont plus de 300 milliards de mails qui sont envoyés par an dans le monde. Bien entendu ce chiffre considérable inclut nombre de messages publicitaires, mais l’usage de la messagerie électronique privée est devenu le quotidien de nos concitoyens.

L’expansion massive des réseaux sociaux a par ailleurs fait émerger une communication de groupe tout à fait originale, puisqu’elle ne remplace aucun ancien système. Cette évolution a créé ex nihilo un nouveau monde, un média d’idées et commercial majeur. Enjeu d’opinion et de marché, ce nouvel espace véhicule à la fois les idées et les nouveaux mode de commercialisation.

On doit se féliciter de cette évolution, dont le premier bénéfice a été l’augmentation de relations humaines originales, privilégiant l’horizontalité par rapport à la diffusion hiérarchisée des idées. C’est la vraie et indiscutable révolution d’Internet.

Des dangers réels

Il y a d’abord celui du phénomène dit des fake news, autrement dit de la prolifération de fausses nouvelles. Mais on doit aussi se demander s’il amplifie réellement un aspect de la nature humaine, qui a toujours été adepte des idées faciles expliquant tout. Tous les médias, aujourd’hui, ont réagi en développant des rubriques dont l’objectif consiste à chasser les fake news.

Mais les fake-news sont loin d’être le seul danger. Ce qui est plus grave, c’est la massification des échanges via les réseaux sociaux comme celle de la diffusion des informations. Moyennant quoi les informations, les mouvements d’opinion, les préoccupations des gens, la mode même, prennent une ampleur mondiale.

La destruction des relations de proximité, qui constituent le terreau des groupes de population et partant leur originalité, ont et auront des effets délétères. Car enfin, c’est de la diversité que naissent les idées originales. Mais à partir d’une masse de population mondialisée, l’impact de campagnes tout aussi mondiales devient ultra-efficace. C’est bien le sens d’une politique déjà mise en oeuvre depuis des décennies par les États-Unis. Mais cette fois-ci, l’effet est multiplié à un stade maximum. Ainsi, les GAFAM ont fait du monde une sorte de marché unique. Le Ghanéen, le Chinois, comme le Français, est sous cette influence de marketing massifié. Personne, encore il ya 20 ans, n’aurait pu imaginer engager une campagne publicitaire avec pour cible des milliards d’individus. Ajoutez à cela des modes unifiés d’expédition des produits, via Amazon par exemple, et l’affaire est faite.

Edgar Morin avait défini la culture de masse comme « Une culture produite en fonction de diffusion massive et sa tendance à s’adresser à une masse humaine, c’est-à-dire à un agglomérat d’individus considérés en dehors de leur appartenance professionnelle ou sociale ».

Les médias ont développé leurs rubriques chassant les fake news. Cette réponse aux mouvements d’opinion considérés comme erronés et manipulés n’est pas pour autant une reprise en main de l’opinion ; nombre d’internautes ont maintenant appris à lire ces contre-informations avec sérénité.

Que ce soit donc sur le plan des idées ou des comportements, il faut convenir que nous sommes arrivés à un stade probablement ultime d’une mondialisation qui en inquiète certains.

Restons optimistes !

Est-ce la Fin de l’Histoire ? Beaucoup, dès le dix-neuvième siècle, ont envisagé cette fin de l’Histoire, à l’aune des premiers indices de la disparition d’un continuum longtemps confiné aux régions, sinon aux nations.

On pourrait être pessimiste pourtant. Hanna Arendt pensait que notre époque se diluerait dans un mouvement « anhistorique », tournant le dos à ses racines traditionnelles héritées de son histoire. L’oubli de son histoire propre fait que l’on a l’impression de ne plus maîtriser son avenir. 

On ne peut pas passer sous silence les réflexions de Philippe Muray qui a très bien décrit cette profonde évolution. Sa thèse est la festivisation du monde contemporain. Selon lui, l’ère festive illustrée par son homo festivus induit une indifférenciation généralisée, y compris celle des sexes, qui fait florès de nos jours. Le phénomène « woke (éveil) » se présente comme une véritable morale moderne. Ainsi, nous devrions être hyper-sensibilisés à tous ces maux révélateurs d’une pensée commune archaïque ; patriarcat, grossophobie, héterosexisme, binarité, sont tout autant d’expressions d’idées répressives dans notre société. Ce n’est pas autre chose qu’un puritanisme moderne, devenu l’avatar de notre morale chrétienne en perte de vitesse.

Pour autant on observe que le citoyen, même s’il évitera de s’en réclamer, conserve des idées au fond traditionnelles. 

Et bien nous ne devons pas céder au pessimisme 

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A propos de l'auteur Thierry Sautier

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