
Les États-Unis d’Amérique ont bien compris que la Russie était, dans le monde occidental, leur principal adversaire. Car au fond, qu’est-ce qui peut bien exciter à ce point l’hostilité américaine à l’égard de ce grand pays euro-asiatique ? C’est une véritable machination que les U.S.A ont entreprise à l’encontre de la Russie de Vladimir Poutine. Au point que le président ukrainien a appelé les américains à modérer leurs annonces sur l’imminence d’une invasion russe (« virtuellement certaine » selon Joe Biden).
La question ukrainienne
La problématique, du côté russe, se résume en fait à la question des nationalités, vieille et éternelle problématique dès lors que les liens historiques entre la Russie et l’Ukraine sont intimes.
Un referendum consultatif organisé en 1994 dans la région russophone du Donbass a donné des résultats édifiants ; 90% des habitants ont voté oui pour que le russe soit leur langue officielle et que l’Ukraine devienne un état fédéral. En 2014, une autre consultation à Donetsk avait donné plus de 80% de oui à l’indépendance pure et simple.
Les mesures de rétorsion du pouvoir de Kiev, ciblant spécifiquement la population russophone (ainsi la suppression du russe comme langue officielle, certes abandonnée peu après), ont déclenché une guerre civile qui n’est pas encore complètement éteinte.
Cette question des minorités, somme toute classique, qui avait été gérée par l’ancien pouvoir ukrainien, jusqu’à la « révolution de Maïdan » de 2014, a donc été on le sait abandonnée par la nouvelle équipe dirigeante. Cette révolution, largement encouragée par les occidentaux, a mis en place un pouvoir clairement anti-russe.
Cette rupture, qui impliquera clairement la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, constitue une violation d’une parole américaine pourtant essentielle. C’est en effet la promesse des USA à Gorbatchev, contre son accord pour une adhésion allemande à l’OTAN, que jamais cette organisation militaire ne s’étendrait à la zone d’influence russe.
Dès lors, du point de vue américain, insérer un coin dans ce contexte est une manière de ruiner toute normalisation et d’y associer en force l’Europe occidentale. Ainsi 200 réservistes de la Garde nationale de Floride sont arrivés fin novembre au centre d’entraînement international de Yavoriv, dans l’ouest de l’Ukraine, pour participer à une mission de formation et d’assistance à l’armée ukrainienne. On annonce l’envoi de moyens militaires complémentaires, avec l’aide de l’Europe.
Il est évident que toute présence militaire occidentale ou association avec les U.S.A et leurs alliés européens en Ukraine via les forces de l’OTAN constitue une provocation pour la Russie.
C’est dire que la crise de nationalité en Ukraine est une aubaine pour les U.S.A qui ont multiplié les provocations en profitant des faiblesses de l’Ukraine, pays profondément corrompu, et en proie à une crise économique sans précédent. Ukraine qui n’a par ailleurs aucune chance sérieuse de rejoindre prochainement l’Union Européenne tant son retard économique et social est fort.
Le maintien en vie de l’Otan
Pour les U.S.A, la crise ukrainienne est une manière d’entretenir sa nouvelle guerre froide avec la Russie et surtout de s’assurer la servilité de l’Europe avec l’OTAN.
Comme des toutous, les dirigeants européens acquiescent à la stratégie américaine. Le précédent de l’annexion de la Crimée sous-tend leur alignement sur la politique américaine. L’annexion de la Crimée, au demeurant parfaitement logique du point de vue politique (la région fut annexée à l’Ukraine par un oukase de Krouchtchev contre toute logique historique), est un souvenir cuisant pour les occidentaux. Les atermoiements de Joe Biden lors de ses dernières déclarations sur la réaction prévisible américaine à une éventuelle intervention russe en Ukraine pourraient cependant pousser Poutine à intervenir. L’occident n’a aucune volonté politique ni moyens stratégiques pour empêcher une intervention russe. D’autant que les mesures de rétorsion occidentales en matière économique n’ont visiblement pas entamé la volonté russe d’intervenir ici ou là.
L’Ukraine, du point de vue militaire, est un nain face à l’ogre russe. De sorte qu’une intervention dans l’est de l’Ukraine ne pose pas de problème militaire particulier à la Russie. Son seul soutien logistique aux rebelles dans le Donbass suffit à assurer la partition en cours depuis 2014.
La question est de savoir si la Russie est prête à prendre le risque de mesures sévères de rétorsion en cas d’intervention dans l’est de l’Ukraine.
Quel est le risque d’une intervention russe ?
La diplomatie russe, par la voix de Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères, a rappelé à plusieurs reprises que le casus belli serait l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Alors par ailleurs que la Russie n’a pas d’objection à l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à la communauté européenne. C’est un point sur lequel les médias occidentaux entretiennent une ambiguïté, probablement par servilité et incompétence.
Les actions militaires ukrainiennes dans les débuts du conflit du Donbass ont été très brutales. Le bombardement des quartiers d’habitation, comme lors de l’encerclement de la ville de Donetsk, la rupture de la fourniture de l’électricité et de l’eau, ont profondément atteint la population russophone qui dans sa majorité aujourd’hui voudrait être rattachée à la Russie, comme la Crimée l’a été. Mais là encore, la diplomatie russe a officiellement déclaré que ce rattachement n’était pas souhaité.
Les accords de Minsk I (5 septembre 2014) et II (12 février 2015) ce dernier avec la participation des présidents français, ukrainiens et russe, ainsi que de la chancelière allemande, sous le Format Normandie, ont permis de mettre fin aux combats, de sorte qu’à part quelques crises locales sporadiques, le conflit est en sommeil. En dehors de quelques incursions très limitées au début du conflit, la Russie n’est pas intervenue avec son armée.
Le risque aujourd’hui est que le pouvoir de Kiev réactive, en violation des accord de Minsk, les actions contre les zones russophone rebelles. Dans ce cas, la Russie ne pourrait pas accepter la situation, par solidarité avec les populations locales. Il reste que dans le contexte actuel de la dépendance occidentale au gaz russe transitant par l’Ukraine (40% de ses approvisionnements), comme le fort prix de cette énergie, toutes les parties ont intérêt au maintien du statu quo. B.H.L n’a pas pu s’empêcher de louer le courage des soldats ukrainiens dans leurs tranchées, mais heureusement il n’a pas d’influence sur Joe Biden…
C’est l’illustration de la fragilité d’une situation dont à l’évidence Washington détient les clefs en entretenant, au gré de ses intérêts, un feu couvant, prêt à s’enflammer à tout moment.