La France ne reconnait plus sa droite de sa gauche

Bien malin celui qui nous expliquera comment les pôles traditionnels en France, la Droite et la Gauche, ont pu se liquéfier en quelques années. Car enfin, le P.S et L.R sont actuellement en voie de disparition, alors qu’ils semblait représenter les deux tendances principales de la politique. Il n’est pas sûr que l’habileté politique d’Emmanuel Macron (E.M) explique ce phénomène très original dans une démocratie. Il faut donc distinguer les aspects conjoncturels des causes profondes, qui montrent un affaiblissement de l’exercice de la démocratie en France.

Origines de la Droite et de la Gauche

On connait bien une origine, historique, liée au positionnement des partis depuis la Révolution française dans l’hémicycle. Les partisans du Roi ou de la défense de la monarchie étaient positionnés du côté droit, tandis que leurs opposants étaient situés à sa gauche. Puis les tenants de la République, considérée chez nous comme intimement lie au progrès et à la démocratie, conserveront cet ancrage géographique, de sorte que les conservateurs, longtemps nostalgique de la monarchie, resteront logiquement à droite.

L’histoire politique de nos institutions va dans les suites créer une claire opposition entre ces deux pôles, l’un progressiste, l’autre conservateur. Les évolutions conjointes du mouvement gaulliste, bien ancré à droite, et des différents avatars de la gauche communiste et socialiste, depuis une bonne centaine d’années, en gros à partir de Congrès de Tours en 1920, nous semblaient immuables. Ce critère a ainsi durablement structuré la manière de penser, de conduire et d’analyser la politique.

Le début de la perte d’influence conjointe des pôles droite/gauche, à la fin de la période dominée par François Mitterrand au pouvoir, a été suivie par la forte déstructuration créée par l’arrivée au pouvoir d’E.M en 2017. Cette élection a provoqué un vrai séisme dans la représentation nationale, grâce à la prime donnée au président nouvellement élu par nos règles électorales. L.R comprend aujourd’hui 101 députés, le P.S 28, tandis que LREM, Modem et Agir Ensemble scission LREM, en rassemblent 346.

Où en sont donc la Droite et la Gauche ?

Il suffirait de se dire que l’électorat majoritaire se situe à droite pour en conclure que la majorité parlementaire est donc de droite. Mais les choses ne sont évidemment pas aussi simples. 

D’abord parce que les deux anciens partis concentrant les idées de la Droite et de la Gauche ne peuvent plus aujourd’hui prétendre réunir leur électorat traditionnel. Ce sont à la fois ces électorats qui ont changé et ces partis qui se sont fossilisés.

Ainsi celui de Marine Le Pen (M.L.P), qui réunit les nationalistes et identitaires, appartenant à la Droite, mais aussi les plus populaires et revendicatifs au plan social, ancienne chasse gardée de la Gauche. L’électorat de Jean-Luc Mélenchon (J.L.M) lui, réussit à regrouper une part non négligeable de l’ancien P.S, qui englobait beaucoup de fonctionnaires et d’enseignants. Sans oublier les plus farouches opposants à la droite, les indigénistes et la frange libertaire qui applaudissent J.L.M.

Mais ces différentes parties de l’électorat ne font pas une majorité. E.M a, quant à lui, ramassé un peu partout et de manière générale. D’abord, et dans des proportions considérables, les personnes âgées, ensuite les retraités, tous inquiets. Mais aussi les « bourgeois », les classes aisées, les entrepreneurs, et enfin bon nombre de jeunes, sensibles à son discours positif et rassurant. Finalement, entre L.R et P.S, démonétisés, et tous ceux qui se méfient des excès de M.L.P et J.L.M, on fait aisément une majorité en faveur du président sortant.

Quelle nouvelle géographie ?

E.M devrait logiquement, grâce d’abord au réflexe légitimiste des Français, obtenir une majorité aux élections législatives. L.R devraient conserver une certaine influence, mais probablement pas améliorer son nombre d’élus actuel puisqu’ils ne constituent pas, aux yeux des électeurs, une force d’opposition au pôle réuni autour d’E.M. Le R.N, de son côté, faute de pouvoir s’élargir avec une alliance objective avec le reste de la Droite, pourra peut-être, mais légèrement, augmenter sa représentation à la Chambre.

C’est donc J.L.M qui devrait réaliser, avec sa coalition inattendue, la constitution d’un bloc de gauche. Avec la circonstance que ce blog hétérogène aurait les plus grandes difficultés à former une opposition cohérente, faisant la part belle à la majorité présidentielle. 

Certes l’assemblée nationale présenterait alors une image originale. Mais si l’on essaie de s’y retrouver, il faut se méfier des qualificatifs que les commentateurs, tel que l’« hypercentre », que représenterait E.M. Car la majorité des Français, qui penchent  plutôt à droite, ont bien donné leurs voix à E.M. Et si E.M était au centre, il aurait un parti ou une coalition à sa droite. Ce ne sont pas les futurs députés R.N qui pourront constituer une force politique significative à droite. Par conséquent, E.M est donc indiscutablement à droite. Une droite très libérale, qui pratique à l’occasion toutes les modes du moment, ainsi une dose de wokisme, de « diversité », tout en étant attachée à une politique du tout État, pratiquant le déficit budgétaire sans modération. 

Il n’est pas sûr que la recomposition politique en cours, provoquée par l’habileté d’E.M face à la fin des partis traditionnels à gauche et à droite, manifeste un changement profond politique. Il y aura toujours un pôle peu ou prou conservateur, opposé aux progressistes. Ils sont toujours là, et ce n’est au fond qu’une question d’étiquetage. Et en ce moment, ce n’est qu’une valse des étiquettes.

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A propos de l'auteur Thierry Sautier

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